
( AFP / THOMAS SAMSON )
"C'est un coup dur pour les micro-entrepreneurs, très clairement", selon Jean-Guilhem Darré, délégué général du Syndicat des Indépendants et des TPE.
Les micro-entrepreneurs bénéficiaient jusqu'ici d'un avantage concurrentiel avec des exonérations très supérieures : ce ne sera bientôt plus le cas. L'abaissement à 25.000 euros du seuil d'exemption de TVA, prévue dans le budget 2025, va en effet changer la donne.
Le Premier ministre François Bayrou a fait adopter le budget 2025 mercredi par 49.3 à l'Assemblée nationale, en évitant la censure, il devrait être approuvé ce jeudi 6 février au Sénat. Le texte abaisse le niveau en deça duquel les petites entreprises ne sont pas asujetties à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à un seuil unique de 25.000 euros de chiffre d'affaires annuel. C'est une très nette baisse de l'exemption des micro-entrepreneurs - auparavant appelés auto-entrepreneurs, un statut simplifié créé en 2008 sous Nicolas Sarkozy - qui jusqu'ici bénéficiaient d'une exonération jusqu’à 37.500 euros de chiffre d'affaires annuel pour les prestations de services et 85.000 euros pour les activités de commerce (achat/vente de biens).
En dessous de ces montants, ils pouvaient établir des factures avec une TVA à 0%, sans rien reverser à l’Etat. Ceux qui deviendront assujettis à la TVA devront facturer cette taxe à leurs clients, donc 20% plus cher, avant de la reverser. Ce nouveau seuil continuera à épargner de nombreux micro-entrepreneurs : sur les 2,5 millions recensés par l'INSEE fin juin 2022, ils n'étaient que 1,3 économiquement actifs (avec un chiffre d'affaires positif), avec un montant moyen de 4.907 euros par trimestre, soit 19.600 euros par an, selon une note de l'Urssaf de 2023.
Une "ineptie de complexité" qui va "pénaliser les travailleurs les plus pauvres"
Mais les fédérations qui les représentent ont critiqué cette mesure, qui risque selon eux d'entrainer travail au noir, trop plein de paperasse ou faillites. Celles qui représentent aussi les TPE classiques apprécient cependant le retour à un équilibre concurrentiel. Dans un communiqué, le président de l'Union des auto-entrepreneurs (UAE), François Hurel, a protesté contre une "ineptie de complexité prise sans aucune concertation (...) qui va pénaliser les travailleurs les plus pauvres" et réclamé une "négociation".
"C'est vrai que c'est un coup dur pour les micro-entrepreneurs, très clairement", a renchéri mercredi sur Franceinfo Jean-Guilhem Darré, délégué général du Syndicat des Indépendants et des TPE. "Maintenant pour un certain nombre, voire pour la totalité des entrepreneurs qui, eux, acquittent cette TVA , peut-être cela rétabli une certaine égalité entre les différentes formes d’activité", a-t-il nuancé. "Au niveau des micro-entrepreneurs, vraisemblablement un certain nombre vont cesser leur activité puisqu'on n'est pas du tout dans la simplification administrative. Pour d’autres ils vont vraisemblablement limiter leur chiffre d'affaires, se limiter dans leur activité ou poursuivre une activité mais pour une part dissimulée".
La micro-entreprise "représente 64% des nouvelles structures créées chaque année mais leur part est extrêmement faible dans l’apport économique, en gros 5% du chiffre d’affaires réalisé à l'année par les entreprises de moins de 10 salariés. Mais ils sont là, ils ont un rôle à jouer", a-t-il conclu.
"C’est la coiffeuse du bourg, le tapissier, le bouquiniste… qui vont tirer leur rideau"
Mardi, Grégoire Leclercq, président de la Fédération nationale des auto-entrepreneurs (FNAE), avait estimé que ce seuil unique conduirait "250.000 auto-entrepreneurs" supplémentaires à devoir collecter la taxe sur la valeur ajoutée et "facturer 20% plus cher leurs clients pour la même prestation".
"Peut-être que certains prix vont augmenter", a reconnu la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin, mais le manque de "lisibilité" des anciennes règles en matière de TVA induisait selon elle "une forme de concurrence déloyale entre acteurs" et le nouveau "seuil permet de remettre tout le monde à égalité". "L'abaissement du seuil d’assujettissement des #autoentrepreneurs à la TVA n’est ni une bonne nouvelle, ni une bonne idée. L’esprit entrepreneurial mérite mieux qu’une taxe. Il faudra y revenir très vite", a critiqué le député macroniste Mathieu Lefèvre sur X.
Une colère partagée par Eric Coquerel, président LFI de la Commission des Finances : "On a failli rater cet énorme scandale dans le #plf2025. On résume : ils ont dit pas question de faire payer plus d’impôts aux classes populaires et moyennes. Et voilà que des centaines de milliers d’auto-entrepreneurs vont payer la TVA ! Censurez !", a-t-il écrit sur X mardi. "Artisans, petit commerce, métier de service, c’est la coiffeuse du bourg, le tapissier, le bouquiniste … qui vont tirer leur rideau", s'est alarmé le député.
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