Un nombre croissant d'Etats-membres disent leur faveur au recours à l'énergie nucléaire, au point de susciter des discussions à la Commission européenne sur de potentiels financements.

( AFP / JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN )
"L'Alliance du nucléaire" face aux "Amis des renouvelables". A Bruxelles, un bras de fer a longtemps opposé la France à l'Allemagne sur l'énergie, mais la cause de l'atome gagne du terrain ces derniers mois au sein de l'Union européenne. Les partisans de l'énergie nucléaire viennent d'obtenir un nouveau trophée mi-juillet.
Dans sa proposition de futur budget 2028-2034, qui donne le coup d'envoi de deux ans de négociations, la Commission semble, sans donner de détails, ouvrir la voie à des financements européens en faveur de l'atome. Cela constituerait la levée d'un tabou en Europe. L'UE est-elle prête à financer la construction de nouveaux réacteurs ? La Commission européenne ne donne pas de réponse précise à cette question, sensible au sein des Vingt-Sept. Mais un porte-parole évoque des domaines "potentiellement éligibles" aux financements européens: des "activités" de "fission nucléaire", de la recherche, le "démantèlement d'installations nucléaires" et la "gestion des déchets radioactifs".
Cette "proposition doit encore être discutée avec les États membres", insiste l'exécutif, qui joue comme souvent à l'équilibriste entre la France et l'Allemagne, où Angela Merkel avait annoncé une sortie accélérée du nucléaire en 2011, après la catastrophe de Fukushima.
"Rendre le nucléaire neutre politiquement"
Depuis 2023, les deux Etats disposent chacun d'un club informel de pays pour défendre leurs priorités énergétiques. Autour de la France, "l'Alliance européenne du nucléaire" gagne de nouveaux supporters. Après la Belgique en février, l'Italie a indiqué mi-juin rejoindre les partisans de l'atome, aux côtés de la Bulgarie, la Croatie, la Finlande, la Hongrie, les Pays-Bas, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède. La Grèce pourrait également en faire autant.
"L'élargissement de l'Alliance rend le sujet un peu incontournable", souligne Neil Makaroff, expert des questions de transition climatique au think tank Strategic Perspectives. Ces pays ont la volonté "de rendre le nucléaire neutre politiquement", explique-t-il, quand l'atome était l'une des lignes de fracture les plus profondes au sein de l'UE ces dernières années.
"Guerre de religion"
Avec l'Autriche, l'Allemagne fait quant à elle partie "des Amis des renouvelables" aux côtés notamment de l'Espagne, du Portugal, de l'Irlande, du Danemark, du Luxembourg et des Etats baltes.
Chacun tient son petit déjeuner informel les jours des conseils des ministres de l'énergie, certains pays comme les Pays-Bas naviguant entre les deux réunions.
Mais l e clivage est moins profond qu'il y a deux ans: de plus en plus de gouvernements soulignent la complémentarité des différentes énergies pour accélérer l'électrification du continent.
La France mise même sur une ouverture de l'Allemagne depuis que le nouveau chancelier Friedrich Merz a signé une tribune de presse avec Emmanuel Macron, en mai, vantant la "neutralité technologique", soit "un traitement non discriminatoire de toutes les énergies bas carbone au sein de l’Union européenne".
"Les Allemands sont prêts" à sortir de "la guerre de religion sur le nucléaire", lançait fin mai le ministre français en charge de l'énergie, Marc Ferracci. Mais les avis divergent entre les ministres au sein de la coalition allemande. Et l'Allemagne, première contributrice nette du budget de l'Union européenne, irait-elle jusqu'à accepter des fonds européens pour le nucléaire ? "Cela peut être potentiellement un sujet de conflit", estime Neil Makaroff.
Quelle "neutralité technologique" au sein de l'Europe?
Avec une autre bataille dans les mois qui viennent: l'avenir de la législation européenne sur les énergies renouvelables, que la France voudrait transformer en directive sur les "énergies décarbonées" pour y intégrer le nucléaire.
Début juillet, Paris a déjà revendiqué une "victoire" dans une proposition de la Commission sur l'objectif climatique de l'UE en 2040, car l'exécutif européen y mentionne noir sur blanc le concept de "neutralité technologique" si cher aux Français. Même dans les scénarios les plus nucléarisés, ce sont néanmoins l'éolien et le solaire qui domineront le mix énergétique européen dans les décennies à venir.
En 2024, selon les dernières données Eurostat, les énergies renouvelables représentaient 47,3% de la production d'électricité dans l'UE contre 23,4% pour l'énergie nucléaire. "A court terme, le gros du travail sur l'électrification passera par les renouvelables", prévient Neil Makaroff. En matière d'éolien et de solaire, la France est régulièrement épinglée par Bruxelles pour son retard par rapport aux objectifs européens.
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