"Nous avons économisé pendant des années et cela a détruit le pays", a souligné le ministre des Finances allemand.

Lars Klingbeil et Friedrich Merz à Berlin, en Allemagne, le 24 juin 2025. ( AFP / JOHN MACDOUGALL )
Relancer l'économie, se réarmer, remettre à niveau ses infrastructures. Après des années de rigueur budgétaire, l'Allemagne s'apprête à prendre une trajectoire budgétaire résolument dépensière et de contracter pour des centaines de milliards d'euros de dette.
Un mois et demi après son arrivée au pouvoir, la coalition du chancelier Friedrich Merz a approuvé mardi 24 juin en conseil des ministres le projet de budget 2025 et les grandes lignes des finances publiques jusqu'en 2029. Ce programme sera soumis au parlement après l'été.
Il traduit le spectaculaire virage annoncé, depuis sa victoire électorale en février, par le dirigeant conservateur. Il fait le pari d'un endettement inédit pour sortir la première économie de la zone euro de la récession et remettre à niveau ses infrastructures.
Son ministre des Finances social-démocrate (SPD) Lars Klingbeil a livré mardi une charge virulente contre le dogme de l'orthodoxie budgétaire qui a longtemps régenté les finances allemandes : "Nous avons économisé pendant des années et cela a détruit le pays. Nous en voyons les conséquences partout: les écoles sont délabrées, les ponts ne tiennent plus debout, les routes sont en mauvais état, il n'y a pas assez d'argent pour notre armée". Ce torrent de dépenses publiques "envoie un signal aux citoyens pour leur montrer qu'ils sont entendus", a affirmé Lars Klingbeil.
"Nous en avons les moyens"
Les chiffres annoncés donnent le tournis : le ministère des Finances prévoit pour l'ensemble de la législature de contracter quelque 847 milliards d'euros de dettes , répartis entre le budget ordinaire - 500 milliards de nouvelles dettes jusqu'en 2029 - et des fonds spéciaux dédiés aux infrastructures et à l'armée.
Pour 2025, les emprunts s'élèveront à environ 143 milliards d'euros, dont 81,8 milliards sur le budget ordinaire (contre 33,3 milliards l'an dernier). Pour 2026, le gouvernement prévoit 172,7 milliards d'euros d'emprunts. "Nous en avons les moyens", a assuré Lars Klingbeil, rappelant que le taux d'endettement de l'Allemagne s'élève à 63% du PIB , "ce qui est nettement inférieur à d'autres pays comme la France ou les États-Unis".
Berlin n'a en revanche pas chiffré l'évolution du ratio de la dette sous l'effet du bond des emprunts. À la différence de l'Allemagne, la France cherche réduire ses dépenses publiques pour contenir sa dette et son déficit.
À elles seules, les dépenses militaires allemandes devraient afficher le montant colossal de 162 milliards d'euros en 2029, soit plus du triple de son budget de défense avant l'invasion russe de l'Ukraine. L'Allemagne atteindrait ainsi en 2029, six ans plus tôt qu'exigé , le nouvel objectif de l'Otan de consacrer 3,5% du PIB national aux dépenses de défense stricto-sensu.
S'y ajoute, selon les plans de l'Otan, une composante de 1,5% du PIB pour des dépenses de sécurité au sens large, comme les réseaux cyber ou les infrastructures. L'Allemagne a légèrement dépassé l'an passé le seuil de 2% du PIB consacré à la défense.
Doper l'économie
Face à la menace russe et à l'incertitude croissante sur la protection américaine, Friedrich Merz affirme vouloir doter le pays de "l'armée conventionnelle la plus puissante d'Europe".
L'une de ses premières décisions a été d'assouplir le sacro-saint "frein à l'endettement" en faisant voter une révision de la constitution.
Un fonds spécial de 500 milliards d'euros sur 12 ans pour rénover les infrastructures vieillissantes du pays été mis sur pied. Il permettra à l'Allemagne d'atteindre dès cette année "un montant d'investissements record" de 115 milliards d'euros, puis plus de 120 milliards en 2026.
Cette cure d'investissements est une aubaine pour l'économie allemande en crise. Elle s'accompagne d'allègements fiscaux et d' une baisse des coûts de l'énergie qui plombe l'industrie.
Les premiers effets sont attendus l'an prochain, selon les experts qui ont déjà relevé leurs prévisions de croissance.
Cette rafale de dépenses suscite cependant aussi des dissensions parmi les conservateurs, avec les élus attachés à la rigueur. Le parti d'extrême droite AfD critique "une orgie de dettes". L'aile pacifiste du SPD est quant à elle vent debout contre le bond des dépenses militaires.
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