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Au marché de Rungis, un Noël en demi-teinte sur fond d'inflation et de grippe aviaire
information fournie par Le Figaro 23/12/2022 à 07:09

À quelques jours des fêtes, dindes, huîtres et sapins se vendent tant bien que mal dans le plus grand marché de produits frais d'Europe.

« La dinde est cuite ! ». Les deux bouts des lèvres étirés, le père Noël de Rungis, bras dessus bras dessous avec un commis en blouse blanche tenant une poularde de l'autre main, sourit face à l'objectif. Il est 4h30 du matin, et le marché international est en ébullition. À trois jours de Noël , les bouchers, charcutiers et traiteurs s'affairent pour trouver les plus belles pièces dans le « pavillon des Volailles ». Il règne dans l'immense halle ornée de guirlandes lumineuses comme un air de fête.

Sous les apparences joyeuses pourtant, l'inquiétude est là en ce 22 décembre. « Regardez autour de vous : il est 7 heures, et il n'y a déjà presque plus personne. Normalement, en cette saison, on travaille bien jusqu'à 9h ! », fait remarquer un responsable de stand. « On s'y attendait , poursuit-il, balayant du regard ses caisses superposées de chapons, pintades et poulardes. Rapport à la hausse des prix. Les gens achètent moins. Ils sont prudents ».

L’inflation pourrait faire de la résistance

Le marché international de Rungis, royaume des restaurateurs et commerçants, est le plus grand marché de produits frais du monde. On trouve ici des choses qu'on ne voit nulle part ailleurs. Comme ce gratin dauphinois aux truffes, prêt à être réchauffé, nous explique tout sourire un restaurateur quinquagénaire. Ici, la période des fêtes de fin d'année est la plus importante. En un mois, les commerçants doivent réaliser environ 30% de leur chiffre d'affaires annuel. « Tout se joue du 19 au 22 décembre , confirme un poissonnier au Figaro . Si tu rates cette période-là, tu rates toute l'année ».

Voilà d'où vient l'inquiétude, palpable, dans cet univers aux odeurs de poisson frais, de viande saignante et de sapins. À «La Marée», la halle des fruits de mer, les huîtres de taille 3 sont 10% à 15% plus cher que l'an dernier. L'inflation sera-t-elle fatale pour les ventes ? « Comme mes produits ne s'achètent qu'à la dernière minute, je serai fixé samedi midi », répond Icham, responsable de stand. Un mauvais signal, toutefois : « D'habitude, on a des commandes à l'avance en homards, langoustes, tourteaux pour le déjeuner de fête... Cette année, on n'en a aucune , déplore-t-il. On verra bien. Ce sera le poker ».

Quand la grippe aviaire gâche la fête

On retrouve quelque temps plus tard le père Noël, accoudé au bar du bistrot Saint-Hubert, à l'entrée du pavillon de Volailles. La brasserie est déjà comble à 7h30, emplie d'hommes en blouse blanche maculée de sang qui en sont déjà à la mi-journée, et sirotent qui un café, qui un demi d'Heineken. « Déjà qu'il a fallu remettre la machine en route après deux ans de Covid, voilà que la grippe aviaire nous tombe dessus », glisse un grossiste à son voisin. 50% de ses producteurs de foie gras ne lui ont rien fourni. « Ils n'ont même pas envoyé un canard, zéro ». « La grippe aviaire a déjà plombé 2023 », rétorque un autre.

Voilà plus d'un an que l'Europe fait face à l'épidémie de grippe aviaire « la plus dévastatrice » jamais observée sur son sol, avec environ 50 millions de volailles abattues dans les élevages infectés par le virus, selon les autorités sanitaires. Gino Catena, qui dirige le syndicat des commissaires-négociants à la vente en gros de la volaille et du gibier, se montre toutefois optimiste. « C'est une question d'organisation, mais on peut toujours trouver chez de nouveaux producteurs », assure-t-il.

Ce vétéran coiffé d'un chapeau de cow-boy sait de quoi il parle. Ici, il est considéré comme « le chef ». « Regardez-moi ce beau foie gras : abattu la veille, expédié la nuit, vendu le lendemain », fait-il la démonstration. Plutôt confiant pour son chiffre d'affaires, Gino attend le Nouvel An pour « dire la messe », autrement dit, faire les comptes. « Jusqu'à cette date, il y a encore de l'espoir ! », veut-il croire.

Les sapins délaissés

De leur côté, les fromagers s'en tirent bien. Même si le prix d'achat aux petits producteurs grimpe entre 15 et 20% avec le coût des matières premières, le Covid-19 a fait bondir la consommation de fromage. Yves Cremmer, qui dirige depuis 20 ans le site «Odéon» de produits laitiers, a triplé son chiffre d'affaires. « Les Français sont toujours aussi amateurs de vieux comtés et pâtes cuites pour Noël , note-t-il. Il y a notamment un fromage qui me surprend chaque année : le roquefort. Ses ventes explosent fin décembre, à croire qu'il est sur toutes les tables ! À l'inverse, le camembert est délaissé, comme s'il passait pour un fromage plutôt du quotidien ».

Dans le bâtiment des fleurs, un doux air de Jingle bell règne dans le hall. Les jacinthes et roses d'hiver égayent la vue de mille couleurs. Deux religieuses déambulent derrière un chariot. Elles sont à l'affût de fleurs abandonnées pour orner l'autel de la Messe de minuit. Des tas de sapins gisent, entassés çà et là. N'ont-ils pas trouvé preneurs ? « Voilà longtemps que les sapins ne se vendent plus », soupire William, accompagné de son adolescent, qui tient le stand avec lui le temps des vacances scolaires : « Si on ne vendait que ça, ça ne suffirait pas pour payer notre stand à Rungis ».

Non, les sapins ne se vendent plus si bien, confirme Frédéric Béguin, gérant de la marque PlantAssistance à Rungis. La faute au courant écologiste, suggère-t-il : « De vous à moi, on sent chez nos clients que quelque chose a changé. Je ne saurais l'expliquer, mais c'est comme si la féerie de Noël n'était pas complètement au rendez-vous ».

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