Dominique Baillard
RFI 15/9/o6
Des ouvriers sont payés en dessous du salaire minimum dans des plantations de café équitable, cest bien la pire des contre-publicités quon pouvait faire à un système présenté par les ONG comme lalternative généreuse et efficace au marché. Cest le Financial Times qui a jeté un pavé dans la mare cette semaine en publiant une enquête réalisée au Pérou, le plus grand pays exportateur de café éthique. La règle du jeu est bafouée sur les salaires: dans 4 des 5 fermes visitées par le journaliste, les saisonniers ne touchent pas le minimum prévu par la loi. Défaillance également dans le respect de lenvironnement, les plantations illégales de café équitable ne sont pas rares dans la forêt protégée située au nord du pays. Sans parler enfin du café récolté dans les conditions ordinaires et exporté avec le fameux label de la vertu.
Ce serait la rançon du succès selon un industriel: pour répondre à la demande pressante des consommateurs occidentaux, les falsifications se sont multipliées. Les ONG qui certifient le café péruvien reconnaissent les failles dans les contrôles quelles effectuent mais aussi les difficultés à respecter dun bout à lautre de la chaîne le code quelles ont elles-mêmes fixé. Il est vrai que, pour les salaires, bien peu de producteurs péruviens, de café équitable ou non, respectent le minimum. Ces révélations nont guère étonné le négociant Bruno Bouvery qui na jamais cru à ce commerce idéal. Au Mexique, raconte-t-il, il nest pas rare que des petits producteurs réunis en coopérative pour obtenir le certificat équitable se retrouvent floués par les dirigeants quils ont élus, il arrive aussi que des paysans acquis à léquitable changent davis quand les prix du marché deviennent plus intéressants que ceux de lorganisme auquel ils étaient affiliés.
Si la traçabilité dite équitable est facile à garantir pour lartisanat produit à léchelle dun village, cela devient beaucoup plus aléatoire pour un produit agricole comme le café étant donné la masse récoltée. Il y a un défaut dans lessence même du mécanisme selon Bruno Bouvery; pour faire respecter linterdiction du travail des enfants, un usage contrôlé des produits chimiques au Brésil, seul un gros producteur, équipé et doté du personnel compétent a pu relever le défi rapporte-t-il. Très tendance dans l'hémisphère nord, le commerce équitable ne semble pas à même de régler les problèmes de développement du Sud. Cette niche commerciale, 2% du café bu dans le monde, ne remplacera pas une politique agricole menée par les Etats pour protéger les paysans des violences du marché devenu totalement libre avec la fin de laccord international en 1988. Depuis, la moyenne des prix na jamais dépassé le minimum garanti de lépoque.