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Le Français LDLC, roi du "click and mortar"
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 15/06/2017 à 10:57
Temps de lecture: 6 min

Crédit photo : Gareth Halfacree

Crédit photo : Gareth Halfacree

Si l'on remonte aux origines d'internet, on constate que celui-ci n'a vraiment commencé à se développer qu'avec l'apparition du premier navigateur digne de ce nom : Mosaic. De fait, cet ancêtre de Netscape, d'Explorer, Firefox et les autres intégrait pour la première fois dans son code une fonctionnalité essentielle : le cryptage des données, grâce à l'algorithme dit "RSA", cryptage dont l'utilité la plus évidente est de pouvoir transmettre en toute sécurité les coordonnées de sa carte bleue. Ce qui permet de payer, et donc acheter, en ligne. En d'autres termes, Internet n'a pris son essor en tant qu'outil universel de communication que le jour où l'on a eu la certitude que l'on pouvait faire du business avec. L'humanité est ainsi faite, et comme disent les américains : le commerce ne dort jamais.

Cette innovation : pouvoir acheter sur un site web, un magasin virtuel, pour ensuite se faire livrer chez soi, a bien vite inquiété les commerçants qui avaient dépensés beaucoup d'argent pour construire des chaînes de magasins, afin d'y attirer les consommateurs pour en faire leurs clients. Et on avait beau jeu à une époque, surtout au temps de la Grande bulle "techno" des années 2000, et un peu moins après, d'opposer les nouveaux entrants, les fringants "e-tailers" qui vendent au "click", aux vieilles lunes du commerce traditionnel "brick and mortar".

De fait, le développement rapide de la vente en ligne met un peu à mal le modèle de distribution moderne du "category killer" : la chaîne spécialisée qui grandit à toute vitesse en dupliquant à l'infini ou presque un magasin-concept (brillant), au détriment des petits détaillants indépendants et multimarques. C'est notamment le cas en ce moment pour de grandes enseignes de textile-habillement : les difficultés de Vivarte en France, et des Ralph Lauren et autres Abercrombie & Fitch aux USA, découlent en grande partie du fait qu'on peut finalement s'habiller assez bien sur Internet, et bien se chausser aussi, ce qui est plus étonnant. C'est ce que montrent d'ailleurs les chiffres fracassants du site anglais boohoo.com, dont les ventes ont progressé de +51%, et les profits presque doublés, en 2016.

Mais tout change vite, et l'humanité s'adapte : le commerce traditionnel finit par vendre pas mal de choses en ligne, les meilleurs exemples étant Fnac-Darty, Casino/Cdiscount, et les "drive" de Carrefour, Leclerc, Auchan etc…, la relation-client devient multi-canal, par le biais du téléphone mobile avant tout, un bel outil, finalement, pour attirer le chaland dans la boutique, et, par un juste retour des choses, les purs "e-tailers" ouvrent des magasins en dur : c'est notamment ce que fait l'ogre Amazon avec son magasin test Amazon Go, qui est une épicerie. Ni plus, ni moins.

C'est aussi exactement ce que fait le Groupe LDLC , société familiale lyonnaise cotée à Paris, devenue ces dernières années le premier "e-tailer" de produits High-Tech en France, avec un chiffre d'affaires de 480M€ sur son dernier exercice, clos fin mars 2017. LDLC opère plusieurs sites marchands qui couvrent tout le spectre de l'informatique/électronique, que ce soit pour les particuliers ou les petites entreprises : ldlc.com vise le grand public avec une offre très large de PC de grandes marques, ou assemblés, de composants et de périphériques de toutes sortes, et aussi de téléviseurs, home cinéma, audio/hifi, appareils photo, caméscopes, smartphones, GPS, accessoires et consommables, logiciels etc… materiel.net cible quant à lui un public plus pointu d'amateurs éclairés, hardware.fr adresse carrément un public de "geeks", alors que, enfin, ldlc.pro fournit les artisans et les TPE. Le groupe gère 50 000 références en catalogues et distribue 1 700 marques, avec une organisation très intégrée qui plus est : deux plates-formes logistiques, des conseillers pour répondre aux appels, et des technico-commerciaux pour démarcher la clientèle entreprises, et lui vendre des solutions clé en main.

Mais ce n'est pas tout : LDLC développe résolument depuis trois ans un réseau de boutiques franchisées à l'enseigne LDLC.com, à partir de deux magasins en propre "historiques", l'un à Lyon et l'autre à Paris, qui proposent les mêmes produits que les sites, et aux mêmes prix. Rentables, ces magasins ont servi de modèle pour dériver un format plus petit qui, testé avec succès, se multiplie rapidement : la chaîne (on peut commencer à l'appeler ainsi) comptait 24 unités fin avril, soit dix de plus en un an. Avec, selon la direction, la pleine validation des vertus du modèle "click and mortar": chaque ouverture d'un nouveau magasin a un impact très positif et très significatif sur la fréquentation des sites, en plus de son activité propre.

La société fait une belle croissance , largement à plus de deux chiffres, depuis plusieurs exercices, en prenant des parts de marché à des concurrents moins agiles (Fnac), ou en difficulté (Surcouf), et a réalisé un bond en avant en rachetant un concurrent sérieux : materiel.net, l'année dernière. Surtout, le groupe envisage de doubler de taille d'ici l'exercice 2020-21, en s'appuyant sur la croissance de la chaîne qui doit compter une centaine de magasins à cet horizon, soit plus de dix ouvertures par an, et sur le développement de la clientèle "BtoC" des TPE, un territoire encore peu prospecté selon la direction.

Cet objectif ambitieux avait enthousiasmé le marché boursier en 2016, le titre ayant progressé de +30% sur l'année, soutenu par l'annonce de l'acquisition de materiel.net. Il n'en va plus de même, pour le moment en tous cas : la belle euphorie sur Groupe LDLC est retombée, avec des résultats annuels 2016-17 un peu décevants il est vrai, soit une croissance ralentie hors acquisition, des marges en recul, et un résultat net presque stable en valeur absolue, nonobstant l'apport d'activité de la nouvelle filiale.

Déçus, les investisseurs et les analystes s'interrogent, comme il se doit. Notamment parce qu'un important effort de structuration en cours pour accompagner cette croissance, avec les recrutements de cadres de haut niveau, et l'aménagement d'un nouveau siège social, devrait peser encore sur les marges cette année. Et aussi parce que le marché du PC a vacillé ces derniers temps : il a fallu passer des hausses de prix pour compenser l'inflation galopante du coûts des mémoires, lesquelles se font rares fautes de capacités de production suffisantes chez les grands fabricants (Samsung) et les fondeurs asiatiques. Et ces hausses de prix ont donné, momentanément on l'espère, un coup d'arrêt aux ventes, qui sont mauvaises depuis le premier trimestre 2017.

Ces réflexions un peu court-termistes nous ramènent aussi à l'économie de ce métier, qui est relativement tendue :

rappelons qu'à l'exception notable d'Apple, qui est très intégré, la valeur ajoutée du PC, le produit de base de ce marché, reste pour l'essentiel entre les mains de quelques grands éditeurs de logiciels et fabricants de microprocesseurs qui détiennent depuis longtemps des positions très dominantes comme fournisseurs des marques. Revendeur, LDLC travaille de fait avec une marge brute de l'ordre de 15 à 17%, ce qui n'est pas beaucoup pour un distributeur.

On notera de plus que protéger sa marge brute en achetant bien, et pas trop pour ne pas se retrouvé "collé", est un exercice souvent difficile dans la High Tech, où l'innovation est permanente, et où les prix de certains composants, notamment les mémoires, comme c'est le cas en ce moment, peuvent varier fortement, et brutalement. Sans parler des incidences des variations de parités monétaires quand on vend en Euro, puisque tout ou presque s'achète en dollar US.

Mais Groupe LDLC y arrive bien en principe avec une rotation très rapide de ses stocks et une offre qui évite systématiquement les produits trop combattus et bas de gamme, et suffisamment riche pour attirer une clientèle plus exigeante sur la qualité que sur le prix. La preuve ? le panier moyen augmente tous les ans, soit 321€ en 2016-17, contre 263€ il y a quatre ans.

C'est ça, le vrai chic du "click & mortar".

J. Lieury - Analyste Senior - Olier Etudes & Recherche www.olier-etudes-recherche.fr - Membre du Cercle des Analystes Indépendants

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

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