Il faut imaginer le pont tournant de Bénouville, sur le canal de Caen à la mer. Sur le pont et envahissant les rives, une foule où se mêlent les bermudas, les treillis militaires, les robes du dimanche et les écharpes tricolores : on fête ce jour-là la prise de Pegasus Bridge par les paras britanniques, dans la nuit du 5 au 6 juin 1944. Il faut imaginer encore, dans cette foule qui crie, qui rit, qui fait la queue pour une bière et une saucisse-frites, deux femmes de 70 ans environ, en grande tenue et soigneusement maquillées. L'une très menue, dans un long manteau bleu roi, coiffée malgré la chaleur d'une petite toque noire. L'autre plus grande, en veste verte et foulard de soie. Arlette et Françoise Gondrée sont soeurs ; elles s'ignorent franchement. Ce jeudi de commémorations, elles vont et viennent sans échanger un regard devant le café qui appartenait à leurs parents - la première maison libérée de France, dit-on, et un lieu de pèlerinage pour les anciens combattants.
Arlette avait 4 ans à l'arrivée des Anglais, Françoise a eu le mauvais goût de naître en novembre 1944 - après la bataille. "Elle ne fait pas partie de l'histoire", commente aigrement l'aînée. Tout est dit : entre les deux soeurs, le Débarquement suppure depuis des lustres. Arlette est devenue propriétaire du café à la mort de leur mère Thérèse, il y a 30 ans. Elle soigne en juin "ses" vétérans, vend des cartes postales où elle pose devant la façade, entre...
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