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Nord: Emmaüs enlisé dans une crise qui questionne le modèle des communautés
information fournie par Boursorama avec AFP 04/12/2023 à 14:28

Ils promettent de ne rien lâcher mais leur grève dure depuis des mois et aucune issue ne se profile: dans le Nord, où des compagnons sans-papiers de plusieurs communautés exigent leur régularisation, Emmaüs est enlisé dans une crise qui ébranle son modèle.

À l'entrée de l'entrepôt de la Halte Saint-Jean, alors que des travailleurs sans papiers d'Emmaüs sont en grève depuis 144 jours, à Saint-André-lez-Lille près de Lille, le 21 novembre 2023.  ( AFP / SAMEER AL-DOUMY )

À l'entrée de l'entrepôt de la Halte Saint-Jean, alors que des travailleurs sans papiers d'Emmaüs sont en grève depuis 144 jours, à Saint-André-lez-Lille près de Lille, le 21 novembre 2023. ( AFP / SAMEER AL-DOUMY )

Dans ce département où se retrouvent des centaines de migrants visant l'Angleterre, mais également ailleurs en France, le mouvement créé par l'Abbé Pierre accueille désormais en majorité des étrangers en situation irrégulière. Ils sont 60% des 4.300 compagnons accueillis dans 122 communautés, selon un guide Emmaüs de 2022.

La contestation est partie de la Halte-Saint-Jean, grande bâtisse en briques de Saint-André-lez-Lille aujourd'hui bardée de banderoles dénonçant "l'esclavage".

En mai, une enquête pour "traite d'êtres humains" et "travail dissimulé" visant cette communauté a été ouverte et, début juillet, une vingtaine de compagnons, tous sans-papiers, ont débuté une grève, avec l'appui de la CGT.

Assurant travailler huit heures par jour dans un climat "raciste" en touchant un pécule bien inférieur aux 392 euros mensuels préconisés par Emmaüs France, ils demandent d'être régularisés pour le préjudice subi.

- "Peine à purger" -

Accueillie avec ses deux fils depuis presque trois ans, la Gabonaise Alixe assimile ces années à une "peine à purger" dans l'espoir d'une régularisation, mais celle-ci lui semble de plus en plus incertaine.

En août et septembre, des compagnons de Dunkerque, Tourcoing et Nieppe (Nord) ont rejoint le mouvement. A Tourcoing, la grève a été suspendue début octobre après un changement de direction et l'annonce d'un audit.

La philosophie d'Emmaüs veut que les compagnons soient nourris et logés et bénéficient d'un accompagnement social pour se réinsérer. Ni bénévoles ni salariés, ils doivent contribuer, "sans lien de subordination", au fonctionnement des communautés, qui sont autonomes et vivent de leurs activités de valorisation d'objets.

Une singularité encadrée depuis 2008 par le statut d'Organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires (OACAS). Depuis 2018, un étranger qui peut justifier de trois années d'activité ininterrompue dans une de ces structures, mais aussi de perspectives d'intégration, peut se voir accorder une carte de séjour.

Les préfectures sont décisionnaires, mais leurs pratiques sont très disparates, notait Emmaüs en 2020.

La Halte-Saint-Jean et Nieppe font partie des rares communautés qui n'ont pas adopté ce statut, demeurant dans une zone plus grise encore, bien qu'elles assurent parvenir à faire régulariser des compagnons.

Emmaüs Nieppe a décidé, avant le lancement de la grève, de devenir OACAS, mais le nouveau statut ne sera effectif qu'en 2025, souligne la direction, qui assure avoir déployé "une communication transparente (...) sur la politique de régularisation locale actuelle, sans donner de faux-espoirs".

Les titres de séjour sont "particulièrement difficiles à obtenir en préfecture du Nord", souligne-t-elle.

La préfecture indique, elle, que "chaque situation fera l'objet d'un examen individuel approfondi" et assure que des personnes ne relevant pas du dispositif OACAS ont été néanmoins régularisées via des commissions différentes.

- Impasse -

Pour le président de la Halte-Saint-Jean, Pierre Duponchel, cette complexité des démarches pour obtenir des papiers exaspère certains compagnons, qui ne sont ni régularisés, ni expulsés, et se retrouvent interdits de travailler et donc coincés dans les communautés.

"Les personnes se retrouvent parfois à faire cinq, six, sept ans de +bénévolat+, en fait du travail à temps plein, même dans les OACAS", accuse une gréviste, Alixe.

Si Nieppe bénéficie du soutien d'Emmaüs France, qui y juge les conditions d'accueil et d'accompagnement "complètement satisfaisantes", la Halte-Saint-Jean et Dunkerque sont sous le coup d'une menace d'exclusion du mouvement.

A Dunkerque, le président Jean-Pierre Wexsteen assure pourtant demander aux compagnons "33,75 heures de travail par semaine, (...) et c'est du travail à la façon d'Emmaüs, pas à la chaîne". Des déclarations confirmées par un compagnon non-gréviste guinéen, Mamadou Cherif Diallo.

Signe de tensions internes, le conseil d'administration a aussi porté plainte pour abus de confiance contre l'ancienne directrice, désormais vice-présidente d'Emmaüs France.

Pour l'économiste Joël Ambroisine, le statut OACAS participe d'"une nouvelle dynamique des communautés, mais continue de s'inscrire dans un interstice où les droits du travail sont flous".

Face à cette grève inédite, Marie Loison-Leruste, maîtresse de conférence à Sorbonne-Paris Nord, avance, elle, l'hypothèse de compagnons étrangers mieux armés pour se mobiliser que les compagnons historiques, "qui étaient pauvres économiquement, mais aussi en termes de capitaux scolaires, de mobilisation".

La sortie de crise ne pourra, selon elle, venir que du champ politique.

2 commentaires

  • 04 décembre 15:40

    Si Emmaüs est devenu une machine à faire entrer des migrants illégaux, ça relève de la justice.


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