Inquiétudes sur le financement de l'innovation française
Les professionnels du capital-risque ne se lassent pas de tirer la sonnette d'alarme. Car, à leurs yeux, le financement des jeunes entreprises françaises est en danger du fait, notamment, des mesures fiscales en préparation.
Selon les chiffres de l'Association française des investisseurs en capital (Afic), les financements dédiés aux jeunes pousses ont chuté de 20 % en trois ans pour atteindre 597 millions d'euros en 2011. Le mouvement est encore plus brutal pour les fonds spécialisés sur ce segment du capital-risque qui ont levé 451 millions d'euros l'année dernière, un montant en baisse de 27 % sur un an.
La chute pourrait s'aggraver en 2012. Les investisseurs qui abondent les jeunes entreprises françaises s'appuient eux-mêmes sur deux sources principales de financement: d'une part les grands institutionnels, banques et assureurs, de l'autre les particuliers, attirés par les mesures défiscalisantes (loi Tepa sur l'ISF/PME, fonds FCPI ou FIP...). Or, ces deux poches sont menacées de tarissement. Suite à la crise financière, les régulateurs des secteurs bancaires et de l'assurance ont considérablement durci leurs exigences en termes de solvabilité, réduisant d'autant la capacité des groupes à financer l'innovation.
Du côté des particuliers, incités depuis plusieurs années à financer directement ou via des fonds les jeunes pousses françaises, les promesses d'alourdissement fiscal suscitent de l'incertitude. «Nous souffrons beaucoup de l'instabilité fiscale. La rétroactivité des lois engendre une vraie défiance des particuliers», déplore ainsi Jean-Patrick Demonsang, président du directoire de Seventure. La loi de finance 2012 avait épargné le dispositif de réduction fiscale ISF/PME. Mais le sort prochain de ce dispositif est encore inconnu. Le nouveau gouvernement devait s'emparer cet été de la question.
L'avenir des fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI), qui apportent grâce à leurs avantages fiscaux environ 60 % des financements post-amorçage, est également compromis. Ce dispositif, critiqué notamment en raison des frais de distribution, arrive en effet à échéance fin 2012. Le gouvernement devra trancher la question de sa reconduction.
Le secteur s'organise«Aujourd'hui, tous les maillons de la chaîne des financements existent même si l'ensemble est fragile et nécessite de passer par Londres dès qu'on est ambitieux, note Jean-David Chamboredon, président exécutif d'Isai Gestion. Il serait très dommage de casser cet écosystème avec des réformes fiscales malencontreuses.» La France est bien dotée en structures d'amorçage, notamment grâce au Fonds national d'amorçage (FNA), mais la batterie de mesures fiscales en préparation pourrait fragiliser le maillon suivant, assuré par les financements des particuliers, et dans ce cas «on va faire beaucoup de déçus (puis de morts) chez ces amorcés», souligne Jean-David Chamboredon.
Face à ces menaces, la profession s'organise. Cette semaine, sous l'impulsion d'Axa PE, CDC Entreprises et Oséo, un club des entrepreneurs du numérique s'est constitué. Le 2 juillet prochain, une association baptisée «France Digitale», qui regroupe entrepreneurs et investisseurs du secteur, va être ainsi lancée. La nouvelle ministre déléguée à l'Économie numérique, Fleur Pellerin, est invitée.
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