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«Ici, on se sent comme à la maison» : pourquoi les apparthôtels chics s’imposent dans les grandes villes

information fournie par Le Figaro 30/11/2025 à 11:12

Coincés entre hôtels traditionnels et meublés touristiques Airbnb, les apparthôtels ont musclé leur offre. Au point de devenir la nouvelle valeur sûre des séjours en ville.

Matériaux de qualité, cuisine dernier cri, ameublement ultramoderne marié à quelques pièces vintage, literie haut de gamme, large terrasse avec jacuzzi donnant sur les toits de la capitale et propreté irréprochable. Ce 80 m² de trois chambres et huit couchages, perché en haut d’un ancien immeuble de bureaux de la porte de Versailles, à deux pas du parc des expositions de Paris, est un des apparthôtels de la Résidence du Hameau. Et il n’a rien à envier aux logements d’habitation les plus soignés ou aux meublés de tourisme haut de gamme proposé par des particuliers sur Airbnb. Il est emblématique de la montée en gamme des résidences para-hôtelières.

Ce type d’appartements, toujours plus chics et gérés par des professionnels, se multiplie dans la capitale et dans les grandes villes françaises, sous les marques Edgar suites, My Maison in Paris, Stay City, Locke Living, Appart’city collection, etc. Selon la Fédération nationale des résidences de tourisme (FNRT), leur nombre est passé de 500 à 700 entre 2014 et 2024, année où 63.000 appartements de ce type étaient comptabilisés en France, en zone urbaine. La fréquentation a bondi sur la même période, passant de 18 millions à 28 millions de nuitées. Les taux d’occupation sont élevés. Éprouvée de longue date aux États-Unis, la formule gagne aussi du terrain en Europe. Edgar suites, qui revendique 26 établissements et 1400 chambres dans l’hexagone, vient d’annoncer l’ouverture en 2027 de sa première résidence en Espagne, à Valence.

Moins de personnel qu’à l’hôtel

Ce matin-là, Xavier O’Quin, le cofondateur et président de cette société, fait justement la visite du bâtiment où se trouve l’appartement 80 m². Il s’agit de l’ancien siège de la marque de prêt-à-porter Caroll. Fini les bureaux ! L’immeuble compte désormais 57 appartements du 2 aux 4 pièces et 150 chambres au total, exploitées depuis le printemps dernier. Il est fréquenté par des touristes français et étrangers mais aussi par des cadres en déplacement professionnel dans la capitale. « Quand on va l’hôtel, on a seulement la chambre. Ici, on peut faire ses repas, on se sent comme à la maison », raconte Erling, originaire des îles Féroé , venu à Paris avec sa femme, ses filles et ses petits enfants.

Florent et Frédéric, la quarantaine, sont collègues. Ils ont un stand au parc des expositions et ont décidé de louer un appartement plutôt que d’aller à l’hôtel. « Après nos journées de travail, on n’a vraiment pas envie de ressortir ». Dans le hall large et lumineux de la résidence, un groupe de jeunes gens originaires de Taïwan puis une famille venue de Turquie passent. « Nous venons à Paris 6 ou 7 fois par an, raconte le père . Ici, c’est bien parce que nous sommes tous ensemble. J’ai eu un petit problème. J’ai tenté de joindre la hot-line pour un petit problème et on ne m’a répondu que le lendemain. C’est ennuyeux s’il y a un problème de sécurité ».

Ici, en effet, pas de réception physique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 comme à l’hôtel. Seulement un numéro WhatsApp censé répondre aux clients en quelques minutes mais un accueil personnalisé à l’arrivée. Le petit nombre d’employés - près de 13 emplois équivalents temps plein en moyenne par établissement selon la FNRT - est une des clés de la rentabilité. La résidence du Hameau affiche tout de même un taux de satisfaction des clients de 9,5 sur 10 sur le site de réservation en ligne Booking. Un sans-faute ou presque.

Selon les spécialistes du secteur, l’apparthôtel aurait de beaux jours devant lui. Depuis le Covid et le développement du télétravail, le nombre de mètres carrés de bureau sans occupant a explosé. En Île-de-France, pas moins de 6,1 millions de m² étaient vides à fin septembre 2025, une surface en hausse de 17 % sur un an. Autant dire que les sociétés ont quasiment l’embarras du choix pour la localisation de leurs futurs établissements. « Nous recevons 800 dossiers par an », confie le patron d’Edgar Suites. Les contraintes croissantes imposées aux meublés de tourisme gérés par les particuliers - par exemple la limitation de la location à 90 jours par an dans certaines villes comme Paris contre 120 jours précédemment ou la guerre lancée contre ces locations saisonnières qui assèchent le marché de la location classique -, contribuent aussi à doper l’activité des résidences para-hôtelières. Car elles ne sont pas dans le collimateur des maires et passent entre les gouttes des tours de vis successifs.

Prendre possession du logement

Cette formule d’hébergement revient de loin. Lancée dans les années 70 en montagne alors que les vacances au ski se démocratisaient, elle a connu un trou d’air pendant plusieurs décennies, du fait d’établissements vieillots et spartiates, mal entretenus et souvent aménagés à l’économie. Paradoxalement, c’est la multiplication des mises en location de logement sur Airbnb par des particuliers qui a mis la formule en selle au milieu des années 2010 dans les villes. Les clients y trouvent leur compte. « Ce sont des logements tout équipés, prêt à vivre et avec des services en plus. Les gens ne veulent plus être obligés d’aller tout le temps au restaurant. Ils voyagent aussi de plus en plus en tribu, avec les grands-parents, les enfants et les petits-enfants », indique Clémence Favereau, déléguée générale de la FNRT.

« C’est le meilleur des deux mondes, le meilleur de location d’appartements avec des logements parfaitement équipés et le meilleur de l’hôtel avec un niveau de sécurité élevé », résume Emmanuel Goudot, directeur marketing et expérience chez Madeho. Cette société, qui gère par ailleurs des hôtels, exploite depuis 2019 Pepper & Paper, une résidence para-hôtelière située dans le 5e arrondissement de Paris , non loin de la rue Mouffetard, très prisée des touristes étrangers. « Dans les hôtels, poursuit-il, la réservation moyenne est de deux jours. Pour les apparthôtels, c’est 4 jours. Les clients, souvent des familles avec enfants jeunes ou en bas âge, veulent pouvoir d’installer et prendre possession des lieux». Il faut, pour cela, leur proposer un cadre agréable et une cuisine parfaitement équipée, avec un coin repas digne de ce nom.

Autant dire que les investissements sont lourds. Selon Pappers immobilier, l’ancien siège de Caroll d’une superficie de près de 4000 m² a été vendu à Edgar suites pour 35 millions d’euros. « Nous avons déposé une demande de permis de construire pour obtenir son changement de sous-destination auprès de la direction de l’Urbanisme de la mairie de Paris. Ensuite, il y a eu 18 mois de travaux ». Coût de ces travaux ? De « 2500 euros à 4000 euros par m² » selon les projets menés par Edgar suites. Dans le cas de la résidence du Hameau, 14 millions d’euros auront été dépensés pour la transformation de l’immeuble. Alors qu’elle privilégiait au début la location d’espaces dans des immeubles dits mixtes - où cohabitent plusieurs destinations d’occupation -, la société Edgar suites a changé son fusil d’épaule, procédant à l’acquisition d’immeubles en bloc et, autant que faire se peut, à destination unique.

Concurrence déloyale

Les travaux intègrent bien sûr le respect des coûteuses normes de sécurité. Ces résidences doivent en effet se conformer à nombre d’obligations : matériaux ad hoc pour éviter la propagation du feu en cas d’incendie, larges couloirs pour faciliter l’évacuation des clients, sorties de secours dignes de ce nom, système de sécurité incendie se déclenchant dès qu’une fumée est détectée y compris si un client brave l’interdiction de fumer, etc. Ces normes nombreuses et exigeantes pèsent à hauteur de « 10 à 15 % » sur le coût total de chaque opération. « Malheureusement, certains acteurs du marché ne respectent absolument pas les normes de sécurité. Ce qui pose un double problème à la profession : cela dégrade l’image du secteur et cela crée une concurrence déloyale », souligne Xavier O’Quin.

En plus de ces exploitants peu scrupuleux qui font courir des risques énormes à leurs clients ainsi qu’aux autres occupants des immeubles qu’ils ont investis en catimini, les professionnels de l’apparthôtel haut de gamme sont confrontés à une distorsion de concurrence avec les meublés touristiques gérés par des particuliers . «Ils n’ont pas ces contraintes du respect des normes », déplore Clémence Favereau. « Nous sommes contrôlés à intervalles réguliers par une commission de sécurité. L’obligation de respecter des normes exigeantes est vraiment ce qui nous différencie des propriétaires indépendants », insiste aussi Emmanuel Goudot.

Ce n’est pas tout. Ces résidences doivent également se conformer aux règles en matière d’accessibilité qui s’imposent à tout nouvel établissement ou encore créer obligatoirement des places de parking avec bornes de recharges électriques, etc. Ce qui, là encore, renchérit le coût total des opérations. Au final, la facture peut être salée. Les prix de location de ces appartements sont en conséquence. Le bien de 80 m² de la résidence du Hameau est ainsi à « 750 euros par nuit en moyenne, avec un prix qui varie de 350 euros à 1500 euros. Dans les périodes de pic, l’offre est saturée à Paris », indique Xavier O’Quin, dont la société pilote donc les prix pour maximiser à la fois taux d’occupation et chiffre d’affaires. Mais ces prix ne sont pas dissuasifs. Ils sont, en effet, souvent en deçà de ceux pratiqués par les hôtels de même standing, où il convient de réserver plusieurs chambres et d’ajouter des frais de restaurants.

Comme beaucoup de ses concurrents, Edgar Suites ne compte pas s’arrêter là, alors que le marché est loin d’être saturé. Désireuse de se développer en Espagne, en Italie et au Portugal, la société est actuellement en discussion pour lever 300 millions d’euros. Xavier O’Quin est confiant. « L’hospitalité fait partie des secteurs où l’on trouve des investisseurs alors que le bureau est beaucoup plus chahuté. En plus, nos actifs ne sont pas monovalents. Si un jour l’appartement hôtel n’a plus de sens ou si l’habitation devient plus rentable, nous pourrons les louer en logement classique avec seulement très peu de transformations ». Une solution de repli à moindre coût qui, affirme ce patron, rassure grandement les investisseurs.

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