La Suisse doit-elle craindre les montres connectées ?
Partenaire•08/10/2014 à 11:30 Temps de lecture: 3 min

Pour certains spécialistes, l'arrivée de l'Apple Watch et de ses concurrentes pourrait causer une crise de l'horlogerie suisse similaire à celle provoquée par les montres à quartz japonaises dans les années 1970.
Depuis l'an dernier, la bataille des montres connectées bat son plein. Tous les grands fabricants se sont lancés sur ce nouveau marché, à l'image de LG et de sa G Watch, de Google et Motorola avec la Moto360, ou de la société française Withings et son modèle Activité. On a notamment pu le constater avec la multitude de smartwatches présentées au dernier salon IFA de Berlin. Mais ces montres intelligentes n'effraient pas vraiment l'horlogerie suisse, plutôt orientée vers le secteur du luxe. Néanmoins, l'arrivée de l'Apple Watch risque de changer la donne. Car la marque à la pomme sait y faire en matière de révolution. Et pour ce tout nouveau produit, elle a mis le paquet, en recrutant des personnels hautement qualifiés dans le domaine de l'horlogerie, comme Patrick Pruniaux, ex-directeur commercial de TAG Heuer. La Suisse doit-elle craindre une crise de l'horlogerie similaire à celle causée par les montres à quartz dans les années 1970 ?
Une menace pour les marques d'entrée de gamme
Pour le patron du design d'Apple, Jonathan Ive, cela ne fait pas un pli. D'après un employé d'Apple interrogé par le New York Times, il affirme que "la Suisse est en danger". Des propos embellis par le quotidien américain, au vu des termes beaucoup plus crus utilisés par Jonathan Ive. Le patron du pôle Montres de LVMH, Jean-Claude Biver, partage son opinion. Il a déclaré en juillet dernier à la chaîne CNBC que l'Apple Watch constituait un vrai danger pour l'horlogerie helvète : "Je pense personnellement qu'elle a le potentiel pour être une menace pour l'industrie, et qu'elle ne devrait pas rester les bras croisés. " Des propos corroborés par Stéphane Linder, le patron de Tag Heuer, une marque qui appartient au groupe de luxe français : "Nous devons être vigilants et anticiper les risques d'une telle révolution technologique. " D'ailleurs, la marque suisse prépare un modèle de montre connectée qu'elle espère présenter l'an prochain au salon Baselworld.
Pour le reste de l'industrie horlogère suisse, le boom des montres connectées ne constitue pas une menace, car ces nouveaux outils ne jouent pas sur le terrain du luxe ou des garde-temps mécaniques. Ils estiment qu'une montre intelligente n'est pas comparable à un objet de haute horlogerie, qui reste l'un des rares bijoux pour hommes et qui se transmet souvent de génération en génération. Une opinion partagée par la plupart des spécialistes, mais qui ne s'applique pas au marché des montres suisses d'entrée de gamme, comme Swatch ou Tissot qui évoluent dans la même gamme de prix que les smartwatches. Ces marques-là pourraient bien souffrir de la percée d' Apple et des autres constructeurs. Mais la marque Swatch, qui travaille tout de même sur un modèle équipé de fonctions fitness, ne croit pas à la révolution des montres connectées. Le patron du groupe Swatch, Nick Hayek, l'a souligné récemment : "Depuis que les smartphones, les iPads ou les iPods existent, nous avons vendu davantage de montres mécaniques encore. Cela montre que le consommateur place l'émotion avant la précision. " Pour lui, il ne s'agit que d'un phénomène de mode. Pourtant, pour les observateurs, elle est la seule entreprise qui disposerait des outils technologiques et industriels pour tenir tête aux géants Apple et Samsung.
La position des groupes horlogers suisses est difficile à comprendre pour Elmar Mock, l'un des pères fondateurs de la fameuse Swatch, qui s'est confié au site swissinfo : "En prenant un chiffre réaliste de 100 millions de smartwatches vendues par an, ce marché pourrait peser dans les 30 milliards de dollars, soit davantage que l'ensemble de l'horlogerie suisse. " Seul l'avenir nous dira qui a raison. Mais une chose est sûre : si les montres connectées réussissent à s'imposer, la Suisse pourra difficilement rattraper son retard. Elle a sciemment choisi de ne pas suivre les évolutions technologiques du secteur, et elle pourrait bien le payer au prix fort.