Japon : normalisation
Hier à 19:22
Normalisation en vue pour les entreprises françaises au Japon
Le Point.fr - Publié le 01/04/2011 à 13:37 - Modifié le 01/04/2011 à 13:38
Si les firmes françaises reprennent leur activité, elles se heurtent au contexte difficile des conséquences post-tsunami.
De notre envoyée spéciale au Japon, Caroline Puel
"Tous les signaux positifs sur la reprise post-Fukushima sont là : la normalisation est en cours, la reconstruction est également en cours." C'est sur un ton résolument encourageant que le président de la chambre de commerce et d'industrie française au Japon Bernard Delmas a accueilli ce vendredi 1er avril à Tokyo la ministre de l'Environnement, Nathalie Kosciusko-Morizet. À l'occasion de ce premier bilan, une centaine d'industriels et d'entrepreneurs français s'étaient réunis dans un grand hôtel de la capitale japonaise. Trois semaines après la triple crise - tremblement de terre, tsunami et accident nucléaire - qui a si durement frappé le Japon, faisant plus de 27 500 morts et disparus, 2 500 orphelins et des dizaines de milliers de sans-abri toujours exposés aux menaces radioactives de la centrale nucléaire de Fukushima, la chambre de commerce a révélé les résultats d'une enquête menée auprès de ses 500 membres.
"La première semaine après la catastrophe du 11 mars, un tiers seulement des entreprises françaises travaillaient normalement. Mais dès la seconde semaine, 90 % avaient repris leur activité et aujourd'hui, nous pouvons considérer que nous sommes à 100 %." Pour autant, un quart des entreprises doivent faire face à des problèmes complexes. D'abord la logistique : le nord-est du Japon reste encore très affecté. Outre la région de Sendai qui est totalement ravagée et où il n'est pas certain encore qu'une vie normale puisse reprendre compte tenu de la proximité avec la centrale de Fukushima, les grands ports de Tokyo et Yokohama n'ont pas encore redémarré leur activité habituelle, ce qui perturbe totalement le commerce.
Le retour des expatriés
Même si la situation s'améliore de jour en jour, les entreprises doivent faire face à un second problème : les coupures d'électricité. Treize réacteurs de l'exploitant Tepco (Tokyo Electric Power Company), soit le quart du parc nucléaire japonais, ont été touchés. Une partie ne repartira pas et il faudra plusieurs mois pour que la situation se normalise, estiment les experts. D'ici là, les entreprises concernées, comme le fabricant de pneumatiques Michelin, s'équipent en générateurs qui permettent de pallier l'urgence.
Troisième problème : le retour des expatriés. Par principe de précaution, la plupart des entreprises ont réduit leurs effectifs. Une partie des sociétés ont transféré momentanément leur cellule de crise dans le sud du Japon, notamment dans les villes d'Osaka et Kyoto. Des expatriés ont fait le choix de partir à l'abri dans la région, en Corée du Sud, à Hong Kong ou à Singapour, et un tiers des familles avec enfants sont carrément rentrées en France. À ce stade, la moitié de la communauté française est de retour (3 000 sur 6 000 Français enregistrés à l'ambassade). Lundi 4 avril, le lycée français de Tokyo, qui compte un millier d'élèves inscrits, devrait rouvrir après un examen approfondi des installations et la mise en place d'un abri antiradiation, dans l'hypothèse où le risque se présenterait, ce qui donnera un signal supplémentaire aux familles. 80 % des expatriés devraient revenir sans problème. Une partie des familles avec enfants semble vouloir rester en France jusqu'à la rentrée de septembre, explique une enseignante, qui s'estime "très soulagée" de la réouverture du lycée. "Mais des relations professionnelles compliquées s'annoncent entre les expatriés et le personnel japonais qui aura vu s'envoler ses patrons", souligne Valérie Moschetti, directrice du centre d'analyse politique de l'Union européenne, qui vient de consacrer ses vacances à travailler au sein de la cellule de crise organisée par l'ambassade de France.
L'Europe fermée aux produits japonais ?
Lorsque le siège social français a proposé aux employés japonais de partir également à l'abri, la plupart ont refusé, considérant cette offre comme une "désertion", témoignent plusieurs hommes d'affaires. À l'inverse, des employés français de sociétés japonaises se sont vu licencier pour avoir osé partir, raconte Thierry Consigny, conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger. Et le problème se répercute à un niveau plus privé, pour les couples mixtes, qui se sont souvent vus déchirés, la partie japonaise souhaitant rester sur place avec les parents, alors que la partie française avait pour priorité de mettre les enfants à l'abri...
Enfin, dernier problème : la sécurité des produits notamment alimentaires, pour lesquels les Français, tout comme les Japonais, n'ont pas d'autre choix que de contrôler l'origine et de faire confiance aux instances japonaises compétentes, généralement très sérieuses. La reprise ne sera donc pas simple. Pour autant, la moitié de la communauté d'affaires française considère que le redémarrage devrait se faire avant l'été et que cette triple crise pourrait même, d'ici la fin de l'année, avoir un impact positif sur les affaires, voire apporter de nouvelles opportunités.
Reste que ce mois de mars 2011 aura profondément marqué les esprits. "On ne sera plus pareils après Fukushima, reconnaît Bernard Delmas : le comportement des entreprises, des gens et du gouvernement va changer. On restera marqués par cette solidarité, l'héroïsme de tous ces hommes ; et il ne faut pas oublier les victimes..." À cet égard, beaucoup d'entreprises françaises se sont mobilisées en faisant des dons importants, comme Danone, ou en fournissant gratuitement de l'aide technique, comme Eurocopter. Reste la solidarité à long terme et c'est sur ce point qu'a insisté Nathalie Kosciusko-Morizet, relayant l'inquiétude exprimée la veille par le Premier ministre japonais, en demandant que nos frontières ne se ferment pas aux produits
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