L'entrée de la société de production vidéo Ubisoft où une grève de 3 jours a lieu à Montpellier, le 15 octobre 2024 dans l'Hérault ( AFP / Pascal GUYOT )
Le mouvement de grève chez Ubisoft a mobilisé mardi plus de 700 salariés sur les 4.000 que compte l'entreprise en France, selon une estimation du Syndicat des travailleurs du jeu vidéo (STJV), soit autant qu'en février lors d'un premier mouvement d'une ampleur inédite.
Ce débrayage intervient alors que le géant français des jeux vidéo traverse une passe difficile, avec des ventes en berne et le report d'un jeu majeur, sur fond de rumeurs de rachat de l'entreprise.
Devant le siège de l'entreprise à Montreuil, près de Paris, entre 50 et 100 salariés s'étaient réunis dans l'après-midi pour protester contre la décision prise mi-septembre par le groupe d'imposer au moins trois jours de présence au bureau par semaine.
"C'est vécu comme une décision très injuste", affirme à l'AFP Marc Rutschlé, délégué syndical Solidaires Informatique, l'un des formations ayant appelé à cette grève de trois jours dans les studios français d'Ubisoft à Paris, Lyon, Montpellier et Annecy.
"Quand j'ai été embauchée, j'étais en 100% télétravail et mon activité me le permet totalement," témoigne Lola, 30 ans, conceptrice de jeux chez Ubisoft depuis 4 ans.
Elle estime que ce changement aura désormais "un impact" sur ses "conditions de vie".
Pour Marc Rutschlé, cette nouvelle donne pourrait également mener à de nombreux départs et provoquer des retards dans la sortie des jeux.
"A terme, c'est toute la boîte qui est en péril", s'est-il inquiété.
- "Aucun dialogue" -
Un sentiment partagé mardi matin devant le studio de Montpellier, où une cinquantaine de salariés ont tenu un piquet de grève.
Dans un courriel envoyé à ses salariés, la direction a justifié cette décision en affirmant que "la créativité est stimulée par les interactions interpersonnelles, les conversations informelles et la collaboration autour d'une même table" - tout en promettant de ne pas revenir "à un modèle 100% présentiel".
Des employés d'Ubisoft en grève à Montpellier, le 15 octobre 2024 dans l'Hérault ( AFP / Pascal GUYOT )
"Il n'y a plus aucune confiance et aucun dialogue avec la direction", déplore Matéo Rogé, 33 ans, testeur qualité au studio parisien d'Ubisoft, regrettant une décision prise "de manière unilatérale".
De son côté, l'entreprise dit examiner "comment affiner (son modèle) pour mieux équilibrer les avantages du travail à distance et au bureau", après une première rencontre avec les syndicats il y a une semaine. Et promet de laisser à ses équipes "le temps de s’adapter".
Les syndicats demandent également à la direction "un vrai effort salarial", rappelant qu'une première grève d'ampleur avait mobilisé plus de 700 salariés en février.
"On n'a pas eu de réponse de la direction", a déploré Pierre-Etienne Marx, délégué STVJ chez Ubisoft Paris.
"On va augmenter (la pression) jusqu'à ce qu'il y ait de vraies concessions", a-t-il ajouté, espérant atteindre cette fois le millier de grévistes.
- Mauvaise passe -
Cette grève tombe mal pour le fleuron français des jeux vidéo, en difficulté depuis plusieurs mois.
"Ubisoft souffre d'un enchaînement de sorties (de jeux) qui n'atteignent pas le succès escompté", souligne Oscar Lemaire, du site spécialisé Ludostrie, citant notamment "Skull and Bones" et le nouvel épisode de "Prince of Persia".
Le PDG d'Ubisoft, Yves Guillemot, le 9 juin 2024 à Los Angeles, en Californie ( AFP / David SWANSON )
Fin septembre, son PDG, Yves Guillemot, a aussi admis que les premières ventes de "Star Wars Outlaws", sorti fin août, étaient "plus faibles que prévu", forçant Ubisoft à revoir en baisse ses objectifs financiers et à repousser de trois mois la sortie du prochain volet de sa série phare, "Assassin's Creed", pour laisser le temps à ses équipes de le peaufiner.
Une mauvaise passe sanctionnée sur les marchés financiers: l'action Ubisoft s'est effondrée de plus de 40% depuis le début de l'année, atteignant en septembre son plus bas niveau en 10 ans.
Début octobre, l'agence Bloomberg faisait également état d'un potentiel rachat d'actions par le géant chinois de la tech Tencent, qui possède déjà près de 10% de l'entreprise, et la famille Guillemot, actionnaire principal du groupe, pour sortir le groupe de la Bourse.
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