PARIS, 24 mai (Reuters) - La perspective de l'arrivée au pouvoir à Rome d'une coalition eurosceptique entre la Ligue et le Mouvement 5 étoiles (M5S) s'est traduite par une tension sur les rendements à long terme des emprunts d'Etat italiens mais elle n'est pas non plus sans conséquence sur l'euro, qui a toutefois d'autres motifs de faiblesse. Le rendement des emprunts d'Etat à dix ans italiens est passé en trois semaines d'à peine plus de 1,7% à plus de 2,45% au plus haut, mercredi. Il s'est légèrement détendu depuis mais demeure proche des points hauts atteints au printemps 2017, au moment où la présence de la candidate du Front National, Marine Le Pen, au second tour de l'élection présidentielle française avait ravivé les craintes d'un éclatement de la zone euro. "Avec des rendements autour de 2,4%, les emprunts d'Etat italiens à dix ans n'ont pas encore atteint un niveau à partir duquel s'enclencherait un cercle vicieux entraînant une augmentation du risque de défaut et de nouvelles hausses de taux", notent Ulrich Leutchmann et You Na Park-Heger, responsables de la stratégie devises de Commerzbank. "Il est notoirement difficile de prévoir à quel point un tel cercle vicieux s'enclenche mais certainement pas en-dessous du seuil de 3%, et si un tel scénario de risque systémique n'est pas considéré comme réaliste, alors il peut sembler censé d'ignorer le facteur 'Italie' en ce qui concerne le taux de change de l'euro", poursuivent-ils. Pourtant, le marché applique bien une décote à l'euro du fait de la situation politique italienne, comme le montre l'évolution comparée de la monnaie unique européenne et du dollar vis-à-vis du franc suisse: au cours des deux dernières semaines, ce dernier s'est apprécié deux fois plus contre l'euro que contre le dollar. "L'application intégrale du programme de gouvernement italien, considéré comme délirant par de nombreux économistes, constituerait un danger pour l'euro en raison du risque réel à terme d'un défaut sur la dette italienne", prévient Bruno Colmant, chef économiste de Degroof Petercam, en rappelant que dans une union monétaire le risque de défaut remplace le risque de change. "Toute divergence d'un pays important met à mal l'architecture monétaire, d'autant qu'il n'y a pas de gouvernance politique commune et que la seule institution qui a sauvé l'euro est la Banque centrale européenne, qui a elle-même refinancé la dette publique des Etats membres", ajoute-t-il. Pour Commerzbank, le nouveau gouvernement italien risque de porter un coup fatal aux projets de réforme de la zone euro portés par le président français, Emmanuel Macron, et celui de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. "Les habituels économistes allemands ont saisi l'occasion pour mettre en garde contre ces efforts de réforme", rappellent-ils. "Au vu des nouvelles en provenance d'Italie, ces positions sont de plus en plus prises au sérieux dans le débat public en Allemagne et le gouvernement va devoir se montrer très prudent dans la promotion d'une intégration plus poussée au risque de s'aliéner ses soutiens", préviennent-ils. "C'est par ce biais détourné que la situation politique en Italie affaiblit un argument de soutien à l'euro et qu'elle s'avère donc importante pour le taux de change de l'euro." Pour Bruno Colmant, l'exemple populiste italien rappelle aussi que l'emploi et la croissance ont été les variables d'ajustement du maintien de l'unité monétaire alors que l'Italie a à peine retrouvé son niveau de prospérité d'avant la crise financière de 2008. "Pour certains pays empêchés d'utiliser l'arme de la dévaluation ou de l'inflation, l'euro devient une tutelle monétaire incompatible avec des expressions démocratiques", constate-t-il. "Pour un pays comme l'Italie, cette monnaie devient une contrainte qui pourrait conduite à sa réfutation par des populations asphyxiées par la crise économique", prévient-il. "Minée par des expressions politiques centrifuges, la pérennité de l'euro est donc conditionnelle" conclut-il Le vice-président de la BCE sur le départ, Vítor Constâncio, a dans un discours-testament prononcé la semaine dernière prévenu explicitement que des "risques existentiels" continuent de peser sur l'euro. Sources : * Is Italy an issue for the FX market ? Daily currency briefing. Commerzbank. 23 mai 2018 * Italy. Wise to wait and see. Investment Talks. Amundi. 22 mai 2018 * Les élections italiennes engagent la démocratie monétaire. Bruno Colmant. Degroof Petercam. 22 mai 2018 Completing the Odyssean journey of the European monetary union. Remarks by Vítor Constâncio, vice-président de la BCE lors d'un colloque de l'institution à Francfort sur l'avenir de la fonction de banque centrale. 17-18 mai 2018. https://bit.ly/2kkK4Je * Le fiasco de l'euro face aux oukazes de Trump. Xerfi. 11 mai 2018. https://bit.ly/2III8Vu <^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^ Dollar et euro en franc suisse https://reut.rs/2J2AbxT ^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^> (Marc Joanny, édité par Marc Angrand)
GRAPHES-Décote italienne sur l'euro? Un détour par le franc suisse
information fournie par Reuters24/05/2018 à 11:59
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