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ECLAIRAGE-L'ère Draghi a sonné le glas des "faucons" monétaires
information fournie par Reuters 10/10/2019 à 08:52

    * Mario Draghi s'apprête à tirer sa révérence
    * La BCE a radicalement changé sous sa présidence
    * Elle devrait demeurer durablement accommodante
    * Les "faucons" semblent avoir perdu la partie

    par Patrick Vignal
    PARIS, 10 octobre (Reuters) - Mario Draghi s'apprête à
quitter la Banque centrale européenne après huit ans de
présidence qui ont profondément modifié le visage de l'institut
d'émission et transformé les "faucons" partisans de l'orthodoxie
monétaire en espèce en voie d'extinction.
    Lorsqu'il a pris ses fonctions le 1er novembre 2011 pour un
mandat qui expirera à la fin du mois, la BCE était célèbre pour
sa réticence envers les politiques dites "non conventionnelles"
et rien ne paraissait indiquer qu'elle allait bientôt inonder
les marchés de liquidités par des rachats massifs de titres.
    Deux jours après sa nomination, cet ancien professeur
d'économie de l'université de Florence passé ensuite par la
banque d'investissement américaine Goldman Sachs présidait son
premier Conseil des gouverneurs et tenait un discours suggérant
qu'il allait inscrire ses pas dans ceux de son prédécesseur, le
Français Jean-Claude Trichet.
    "Notre programme pour les marchés de titres comporte trois
caractéristiques principales: il est temporaire, limité et
justifié par la nécessité de restaurer le fonctionnement des
canaux de transmission monétaire", avait-il dit alors.
    Dix baisses de taux et 2.600 milliards d'euros de rachats
d'actifs plus tard, sans oublier toute une série de programmes
de refinancement à long terme destinés aux banques (LTRO et
TLTRO), l'assouplissement monétaire ("quantitative easing"/QE)
fait partie des meubles et plus personne ne s'attend à voir les
taux remonter à court, moyen ou même long terme.
    Entre-temps, Mario Draghi aura endossé les habits de sauveur
de la zone euro avec le fameux "whatever it takes" de juillet
2012, autrement dit la promesse de tout mettre en oeuvre pour
préserver l'union monétaire, menacée alors par la crise des
dettes souveraines.
    
    QE FOREVER
    Le 12 septembre dernier, à l'issue de l'avant-dernière
réunion monétaire sous la présidence de l'Italien, la BCE
annonçait qu'elle enfonçait son taux de dépôt un peu plus bas en
territoire négatif et qu'elle allait procéder à nouveau à des
rachats d'actifs "aussi longtemps que nécessaire".
    "Après le 'whatever it takes', on a maintenant le 'QE
forever'", commente Bastien Drut, membre de l'équipe études et
stratégie de CPR Asset Management et coauteur, avec ses
collègues Laetitia Baldeschi et Juliette Cohen, d'un livre
intitulé "Comment les années Draghi ont changé la Banque
centrale européenne", qui vient de paraître. 
    Avec en outre la promesse d'un maintien prolongé des taux à
leurs niveaux actuels, voire plus bas, Mario Draghi a balisé le
terrain pour Christine Lagarde, qui prendra le 1er novembre les
commandes d'une institution appelée à demeurer durablement
accommodante.
    Ce biais n'est pas du goût de tout le monde à la BCE, comme
vient de l'illustrer la démission de l'Allemande Sabine
Lautenschläger de son poste de membre du directoire, trois ans
avant la fin de son mandat.
    La reprise du QE déplaît à pas mal de monde au sein de
l'institution, froissant notamment les plumes des "faucons", à
commencer par celles de Jens Weidmann, l'influent président de
la Bundesbank.
    "Le fait que l'opposition à la dernière décision de
politique monétaire donne de la voix depuis qu'elle a été prise
montre à quel point la BCE est fragile aujourd'hui", estime
Carsten Brzeski, économiste d'ING.
    "Quand Christine Lagarde remplacera Mario Draghi, elle aura
du travail à faire pour recoller les morceaux."
    
    DE "SUPER MARIO" AU "COMTE DRAGHILA"
    S'il est très populaire sur les marchés, où la qualité de
ses travaux de plomberie monétaire lui a valu le surnom de Super
Mario, la figure de proue de la BCE n'a donc pas que des amis. 
    La politique de taux négatifs de la banque centrale est
impopulaire notamment en Allemagne, parce qu'elle pénalise les
épargnants et favorise la hausse des prix de l'immobilier.
    "Le comte Draghila siphonne nos comptes en banque", écrivait
le 13 septembre dernier le quotidien allemand à fort tirage
Bild, au côté d'un photomontage de Mario Draghi avec des canines
et un accoutrement de vampire.
    Certains Allemands craignent également de devoir payer les
factures de pays de la zone euro plus dépensiers comme l'Italie,
le Portugal ou l'Espagne.
    La BCE est certainement divisée mais les "faucons" n'en ont
pas moins clairement perdu la partie, estime Bastien Drut avant
d'insister sur le talent de communicateur de Mario Draghi.
    Ce dernier a accordé nettement moins d'interviews que son
prédécesseur mais il a prononcé davantage de discours et a
apporté un soin particulier à bien se faire comprendre, dit-il.
    Sous sa présidence, la BCE a ainsi introduit une
communication sur le pilotage des anticipations ("forward
guidance") destinée à donner aux marchés des indications sur
l'évolution future de sa politique.
    A l'image de ce que fait depuis longtemps la Réserve
fédérale américaine, elle s'est aussi mise à publier les comptes
rendus ("minutes") de ses réunions monétaires au bout de
quelques semaines, contre 30 ans précédemment. 
    "On a assisté à une véritable révolution en matière de
communication", insiste Bastien Drut en soulignant en outre le
souhait de Mario Draghi de s'inscrire dans la modernité, en
répondant par exemple aux questions des internautes sur Twitter
sous le "hashtag" #AskECB.
    
    LE MYSTÈRE DE L'INFLATION
    Malgré l'ingéniosité indéniable démontrée par Mario Draghi
et son équipe, dont les rouages les plus essentiels sont déjà
partis ou s'apprêtent à la faire, la politique monétaire est
aujourd'hui plus questionnée que jamais, soulignent les
stratèges de CPR AM.
    Ce questionnement porte notamment sur l'efficacité des
mesures mises en oeuvre, sur les effets négatifs des politiques
non conventionnelles ou encore sur les faibles marges de
manoeuvre dont disposent désormais les banques centrales, à
commencer par la BCE.
    "Il y a clairement un loupé de la politique monétaire sur
l'inflation, qui reste très éloignée de l'objectif de la BCE"
d'une hausse des prix inférieure à mais proche de 2% sur un an,
fait valoir Laetitia Baldeschi.
    Benoît Coeuré, membre du directoire sur le départ et fidèle
parmi les fidèles de Mario Draghi, a parlé de "mystère" face à
la stagnation des prix malgré des années de politiques
monétaires expansionnistes, rappelle-t-elle.
    Conscient des limites de l'action de la BCE, le président
sortant ne cesse de réclamer que la politique budgétaire prenne
le relais, ce qui ne signifie nullement qu'il juge l'institution
qu'il s'apprête à quitter à court de munitions.    
    "Tous les instruments, qu'il s'agisse des taux d'intérêt,
des rachats d'actifs ou du pilotage des anticipations, sont
prêts à être calibrés", a-t-il déclaré lors d'un entretien
accordé récemment au Financial Times - sa première interview
depuis trois ans.
    Il ne reste plus à Christine Lagarde qu'à ajuster la mire.
    

 (Edité par Marc Angrand)
 

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