* Les véhicules électriques rebattent les cartes de la filière * La chaîne de valeur pourrait changer de mains * Constructeurs, spécialistes des semi-conducteurs, des logiciels et équipementiers se disputent le gâteau * Ces derniers sous-performent en Bourse le secteur auto par Gilles Guillaume PARIS, 11 décembre (Reuters) - La voiture du futur - qu'elle soit électrique et/ou autonome - sera bardée de technologies, au risque de marginaliser les équipementiers comme Valeo VLOF.PA , à la peine en Bourse, au plus grand profit des géants de la tech et des Gafa et peut-être des constructeurs eux-mêmes, mieux armés pour résister à cette déferlante. Dernier manifestation en date de la révolution qui se profile, General Motors GM.N a annoncé fin novembre sa plus grosse restructuration en Amérique du Nord depuis sa faillite il y a dix ans, afin d'investir massivement dans les véhicules électriques et autonomes. Le premier constructeur automobile américain va supprimer ainsi pas moins de 8.000 emplois et arrêter la production de ses berlines les moins rentables. "Le véhicule du futur ressemblera davantage à un ordinateur portable sur roue. Constructeurs et équipementiers tentent de s'adapter à cette nouvelle donne: le partage de la chaîne de valeur entre les deux risque de changer, et ils devront aussi partager avec les spécialiste des semi-conducteurs et des logiciels", souligne Thiemo Lang, gérant de portefeuille chez le spécialiste helvético-néerlandais de l'investissement durable RobecoSAM. Alors que les équipementiers captent actuellement pas moins de 75% de la valeur, les cartes vont être en effet rebattues en profondeur au sein de la filière. "La production des véhicules va changer de manière significative, la filière passant d'un mélange de composants mécaniques, hydrauliques et électroniques, à une majorité d'éléments électroniques et logiciels avec le développement des voitures électriques, autonomes et connectées", observe Thiemo Lang. Cette perspective explique la mauvaise performance boursière des équipementiers par rapport à la moyenne du secteur automobile, tandis que les constructeurs, les fabricants de semi-conducteurs et les Gafa ont au contraire tendance à surperformer. Valeo VLOF.PA , qui a enregistré l'une des meilleures performances de la Bourse l'an dernier (+13%), est descendue de son piédestal: elle enregistre la plus mauvaise performance du CAC 40 sur l'année : -60,59%, sa plus forte baisse depuis la crise de 2008, contre -9,85% pour l'indice parisien. A cette "disruption" majeure s'ajoutent les perturbations provoquées en Europe par les nouvelles normes d'homologation WLTP, qui ont placé en première ligne les équipementiers, comme en témoigne le double "warning" de l'équipementier français en trois mois. CAP SUR LA TECH L'alliance Renault-Nissan RENA.PA 7201.T a provoqué elle-même un coup de tonnerre en annonçant en septembre la signature d'un accord avec Google GOOG.O , qui permettra d'installer le système d'exploitation Android du géant américain à sa prochaine génération de systèmes "d'infotainment" embarqués. Mais selon une source proche d'un autre constructeur, il ne s'agit que d'une première étape. "Pour des questions de compatibilité avec les outils Google et de mise à jour, il est quand même plus simple de lui confier directement une partie de l'architecture à bord. D'autres y viendront, ce n'est qu'une question de temps", a-t-elle dit. Pour rester dans la course, les fournisseurs traditionnels tentent quant à eux de se réinventer. Delphi DLPH.N a séparé ses activités traditionnelles de transmission de ses activités plus technologiques et Continental a annoncé un projet similaire. Autoliv ALV.N réfléchit également à séparer ses activités de sécurité passive de ses produits plus high tech tandis que Faurecia EPED.PA a lancé une offre sur le japonais Clarion pour étoffer ses services embarqués et que Plastic Omnium PLOF.PA a cédé sa division historique de poubelles pour se concentrer sur l'automobile. Valeo, très bien placé sur les capteurs pour l'aide à la conduite et acteur majeur de l'hybridation 48 volts, dispose également d'une co-entreprise avec Siemens spécialisée dans les moteurs électriques. Malgré tous ces efforts, les investisseurs craignent qu'une partie des technologies prometteuses dans lesquels les équipementiers ont investi soient réinternalisées par les constructeurs. "La révolution industrielle qui s'annonce est telle que les constructeurs doivent se réapproprier une partie de la valeur. Ne serait-ce que pour donner du travail aux équipes qui seront touchées par la disgrâce du diesel, et la perte de vitesse du thermique. Du contenu et des emplois que les équipementiers n'auront pas", indique une source proche de PSA PEUP.PA . Renault, qui achetait jusqu'ici ses moteurs électriques à Continental CONG.DE , a entrepris dès 2011 de les produire lui-même à Iléon (Seine-Maritime) tandis que PSA, qui se fournit actuellement chez Continental et la JV Valeo-Siemens SIEGn.DE pour ses machines électriques, relocalisera en 2022 sa production à Trémery (Moselle) dans le cadre d'une JV avec le japonais Nidec-Leroy-Somer 6594.T . UNE INCONNUE: LE RYTHME DE CETTE TRANSITION Les spécialistes des puces devraient aussi capter une grande partie de la valeur future de véhicules. Selon RobecoSAM, les semi-conducteurs de puissance devraient en effet doubler entre une voiture hybride et une voiture électrique, et leur présence décuplée si l'on compare avec un véhicule essence. Infineon IFXGn.DE , qui réalise déjà 40% de son revenu avec les voitures, STMicroelectronics STM.PA (30% du revenu) ou encore les américains ON Semiconductor, ON.O , Power Integrations POWI.O , Monolithic Power MPWR.O et Cree CREE.O paraissent les mieux positionnés. Davantage d'acteurs, mais pour un gâteau qui a tendance à s'amenuiser. La structure d'un véhicule électrique étant moins complexe que celle d'un véhicule thermique ou hybride, Barclays estimait par exemple dans une note récente qu'il faudrait à terme moins de 5.000 emplois en Allemagne pour produire un million de voitures électriques, contre plus de 10.000 pour un volume identique de véhicules diesel. Il est communément admis que les équipementiers devraient bénéficier du durcissement de la réglementation, qui va conduire à une hausse du prix du contenu par véhicule. Ce sera probablement vrai pendant la phase d'hybridation électrique-thermique, mais au-delà ? La banque britannique Barclays rappelle le précédent des navires hybrides du 19e siècle, comme le SS Great Eastern, conçu par le "Elon Musk" de l'époque, l'ingénieur Isambard Kingdom Brunel. Ce navire géant, lancé en 1858, innovait avec quatre moteurs à vapeur, mais conservait aussi du passé six mâts pouvant déployer jusqu'à 1.686 mètres carrés de voile. "Comme lors du passage de la marine à voile à la marine à vapeur, les équipementiers pourraient réaliser qu'ils ont investi lourdement dans des technologies qui deviendront obsolètes dans un monde zéro émission", souligne Kristina Church, analyste chez Barclays, pour qui la phase d'hybridation ne sera que "fugace". <^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^ Valeo avertit à nouveau sur 2018 avec le WLTP et la Chine GM va réduire sa production et ses effectifs en Amérique du Nord Renault-Nissan utilisera Google pour son infotainment à bord ANALYSE-Les semiconducteurs confrontés à un retournement de cycle Graphique: Les équipementiers, mauvais élèves de la classe auto en 2018 https://tmsnrt.rs/2zVJl9B Graphique: Prime boursière aux Gafa et aux nouveaux entrants https://tmsnrt.rs/2SLzKtd Graphique: Coup de mou circonstanciel pour les valeurs des semi-conducteurs https://tmsnrt.rs/2zT6Ik1 ^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^> (Avec la contribution de Blandine Hénault, édité par Jean-Michel Bélot)
Le chamboule-tout de la voiture autonome menace les équipementiers
information fournie par Reuters 11/12/2018 à 12:48
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