* Rakka, le bastion de l'Etat islamique, a été pris pour
cible
* Cinq pays arabes, dont l'Arabie et le Qatar, ont participé
aux frappes
* Les forces américaines ont aussi visé le groupe Khorasan
* Le gouvernement de Damas se dit prêt à collaborer
* Le HCR s'attend au déplacement de 400.000 personnes dans
le nord
par Phil Stewart et Tom Perry
WASHINGTON/BEYROUTH, 23 septembre (Reuters) - Les
Etats-Unis, appuyés par cinq pays arabes, ont mené dans la nuit
de lundi à mardi leurs premières frappes contre des positions de
l'Etat islamique (EI) en Syrie, ouvrant un nouveau front contre
les djihadistes sunnites également présents en Irak.
Une cinquantaine de cibles de l'EI ont été frappées dans les
provinces de Rakka, le principal bastion du groupe islamiste en
Syrie, de Daïr az Zour et de Hasakah, dans l'est du pays, tuant
au moins 70 djihadistes, a indiqué l'Observatoire syrien des
droits de l'homme (OSDH), une ONG basée à Londres.
Le groupe Khorasan, une unité d'Al Qaïda proche du Front al
Nosra, a également été pris pour cible dans les provinces d'Alep
et d'Idlib (ouest), cette fois par les seules forces
américaines. Le bilan serait d'au moins 50 combattants et huit
civils tués. D'après l'OSDH, les combattants tués seraient des
ressortissants étrangers pour la plupart.
L'administration américaine assure que ce groupe armé
organisé autour de figures historiques d'Al Qaïda se préparait
depuis des mois à des attentats contre des cibles aux Etats-Unis
ou en Europe et que la menace était imminente. (voir
ID:nL6N0RO49U )
D'après un décompte du Pentagone, plus de 160 projectiles,
pour l'essentiel des missiles de haute précision, ont été
utilisés pour ces frappes qui, selon le commandement des forces
américaines, ne font que commencer. (voir ID:nL6N0RO4GJ )
Cinq gouvernements arabes sunnites - l'Arabie saoudite, le
Qatar, les Emirats arabes unis, la Jordanie et Bahreïn, tous
signataires de la déclaration de Djeddah le 11 septembre contre
l'Etat islamique - ont participé ou apporté leur soutien à ces
frappes.
Barack Obama, s'exprimant mardi en fin de matinée à
Washington, a souligné que leur participation apportait la
démonstration que les Etats-Unis ne sont pas seuls dans le
combat engagé contre l'Etat islamique.
"L'Amérique est fière de se tenir côte à côte avec ces
nations au nom de notre sécurité commune. La force de cette
coalition démontre clairement au monde que ce n'est pas un
combat mené par les seuls Etats-Unis", a-t-il dit.
Le président américain, attendu à New York où se réunit
l'Assemblée générale des Nations unies, a ajouté qu'il
continuerait de renforcer la coalition mise sur pied face à la
menace que représente le groupe dirigé par Abou Bakr al
Baghdadi, l'émir du "califat" autoproclamé sur les territoires
syriens et irakiens que l'Etat islamique contrôle. (voir
ID:nL6N0RO42L )
ENGAGEMENT AMÉRICAIN EN SYRIE
Les frappes ont été menées à partir de navires croisant en
mer Rouge et dans le Golfe, dans le but d'empêcher des "attaques
imminentes" contre les intérêts américains et occidentaux,
précise le Commandement central des forces américaines
(CentCom), qui couvre notamment le Moyen-Orient.
Ces opérations marquent le premier engagement de Washington
dans le conflit syrien depuis son déclenchement en mars 2011. Le
gouvernement de Damas a été prévenu quelques heures avant le
début des frappes.
Recevant un émissaire du gouvernement irakien, Bachar al
Assad a fait savoir par la télévision publique syrienne qu'il
était prêt à "poursuivre sa lutte contre le terrorisme" et a
apporté son soutien aux initiatives internationales
internationale contre l'EI. (voir ID:nL6N0RO3VH )
Depuis l'offensive éclair lancée par les djihadistes
sunnites début juin en Irak, Damas voit dans l'émergence de
cette menace un moyen de réintégrer le jeu diplomatique dont la
répression du mouvement de protestation puis la guerre civile
l'ont écarté.
Les Etats-Unis excluent toute coordination avec le dirigeant
syrien, dont Washington exige toujours le départ.
Et l'Armée syrienne libre (ASL), un groupe de l'opposition
syrienne que soutiennent les Occidentaux, a salué cet engagement
étranger, estimant qu'il était de nature à lui redonner
l'avantage contre les forces pro-gouvernementales.
"Cela va nous renforcer dans notre combat contre Assad. La
campagne doit se poursuivre jusqu'à l'éradication complète de
l'Etat islamique", a déclaré un responsable de la Coalition
nationale syrienne (CNS), qui représente l'opposition soutenue
par les Occidentaux.
Certains groupes de l'insurrection syrienne redoutent
néanmoins qu'Assad n'en tire profit. "Il est à craindre que le
régime exploite le vide militaire créé dans les secteurs que
l'Etat islamique contrôlait pour obtenir des avancées
militaires", dit un commandant local de l'ASL joint dans l'ouest
du pays. "Cela ferait apparaître la coalition comme le sauveur
du régime Assad", ajoute-t-il.
Cette inquiétude explique notamment pourquoi la France, dont
l'aviation a frappé l'Etat islamique dans le nord de l'Irak, a
exclu de prendre part à des opérations aériennes en Syrie.
"Il n'est pas question que M. Bachar al Assad prenne la
place laissée par Daech en Syrie", soulignait lundi le ministre
français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, quelques
heures avant les frappes des forces américaines et de leurs
alliés arabes. La France, a-t-il ajouté, refuse de choisir
"entre les terroristes et les dictateurs".
A Londres, les services du Premier ministre David Cameron
ont indiqué mardi matin que les forces britanniques ne
participaient pas pour le moment aux opérations contre les
islamistes en Syrie, la décision finale du Royaume-Uni n'ayant
pas encore été prise.
INQUIÉTUDE DES KURDES, LE HCR CRAINT UN EXODE
Les frappes ont débuté quelques heures avant l'arrivée de
Barack Obama à New York pour l'Assemblée générale de l'Onu.
Il doit présider mercredi une séance du Conseil de sécurité
consacrée au problème des candidats au djihad. Elle devrait
donner lieu à l'adoption d'une résolution invitant les Etats
membres de l'Onu à "prévenir et à empêcher" leurs déplacements.
Sa décision d'intervenir militairement en Syrie illustre la
gravité de la menace que représente l'Etat islamique aux yeux du
gouvernement américain, qui s'était jusqu'ici gardé de toute
implication directe.
Il y a un an, Obama avait renoncé in extremis à ordonner des
frappes aériennes contre des objectifs du régime Assad accusé
d'avoir bombardé sa population à l'arme chimique.
L'opération intervient alors que les djihadistes ont pris le
contrôle de nombreux villages kurdes dans le nord de la Syrie,
près de la Turquie dont près de 140.000 réfugiés ont franchi la
frontière la semaine passée.
Alors que le Haut commissariat des Nations unies pour les
réfugiés (HCR) a dit se préparer à un possible exode de 400.000
habitants, les Kurdes de Syrie, assiégés depuis une semaine
près de la ville-frontière de Kobani (Aïn al Arab), ont réclamé
des frappes contre les positions qu'occupent les combattants de
l'Etat islamique dans le nord du pays.
A défaut, ils disent craindre que l'Etat islamique se retire
des zones bombardées dans l'est et se redéploient dans les
régions à majorité kurde du Nord syrien, accentuant de ce fait
la pression militaire qu'il exerce déjà sur les unités de
protection populaire (YPG), la branche armée du Parti de l'union
démocratique (UPD) kurde. (voir ID:nL6N0RO478 )
RENVOI
Pour retrouver la CHRONOLOGIE de l'émergence de l'Etat
islamique, double-cliquer sur ID:nL5N0QS1LE
(avec Phil Stewart, Roberta Rampton et Susan Heavey à
Washington, Suleiman al Khalidi à Amman, Dasha Afanasieva à
Istanbul, Daniel Bases et Arshad Mohammed à New York;
Jean-Philippe Lefief, Eric Faye, Pierre Sérisier et Henri-Pierre
André pour le service français, édité par Danielle Rouquié)
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