Manifestation en soutien à Gisèle Pelicot à Paris le 14 septembre 2024 ( AFP / Ian LANGSDON )
"Arrêtez de vous taire !": en marge du procès de Mazan, militantes et associations féministes appellent les hommes à "prendre enfin leurs responsabilités" dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
Dans le procès des viols de Mazan - une femme droguée par son mari et violée pendant dix ans par des dizaines d'hommes - "il y a tous ces violeurs mais il y a tous ces hommes à qui on a proposé de violer Gisèle et qui se sont tus", a relevé Jessica, du collectif #Noustoutes, lors d'une manifestation à Paris samedi.
"A aucun moment ils se sont dit +c'est une dinguerie, ce mari propose qu'on vienne violer sa femme+. Personne n'a été voir la police", a ajouté la militante, au sujet des propositions faites via un site de rencontres - fermé depuis juin car accusé d'être un repaire de prédateurs sexuels.
La militante reproche plus globalement aux hommes de se "taire": "Si vraiment vous aimez les femmes, non seulement respectez-les mais faites en sorte aussi de porter la charge mentale, c'est de votre responsabilité."
Les hommes doivent faire leur introspection, abonde auprès de l'AFP Elsa Labouret, d'Osez le féminisme ! "Un homme qui pense être un homme bien, à quel point il dit à ses potes, +non là ce n'est pas OK ce que tu viens de faire, de dire+ ?"
Pour Anna Toumazoff, militante féministe à l'origine de l'appel à manifester samedi en soutien à Gisèle Pelicot, "il y a vraiment la nécessité d'un sursaut de la société".
"Les auteurs des violences sexuelles sont dans 96% des cas des hommes", souligne-t-elle insisté. "Les violences sexuelles sont avant tout un problème d'hommes qui est malheureusement porté en majorité par des femmes, il est temps que chacun prenne enfin ses responsabilités".
- "Prise de relais" -
Manifestation en soutien à Gisèle Pelicot et aux femmes victimes de viols en France, à Marseille le 14 septembre 2024 ( AFP / Clement MAHOUDEAU )
Pour Mélanie Gourarier, anthropologue au CNRS et spécialiste des masculinités, "les féministes ont le sentiment de se battre contre des moulins à vent, +on alerte, on alerte, il ne se passe rien+".
Or "s'impliquer contre les violences faites aux femmes, c'est un coût psychique, économique, temporel", relève-t-elle. Il y a un "ras-le-bol" du poids "que portent les mouvements féministes sur ces questions-là" et "une demande de prise de relais, mais qui n'est pas un abandon du terrain".
Ces dernières années, le soutien de personnalités masculines aux prises de parole des femmes contre les violences sexuelles et sexistes est resté relativement timide en France, se cantonnant à quelques expressions solitaires.
Au printemps dernier, au moment du #metoo cinéma, ce silence a été dénoncé par plusieurs actrices. Juliette Binoche a estimé qu'il "n'était pas possible de n'avoir que des femmes qui parlent".
Le procès de Mazan pourrait-il changer la donne? Ces derniers jours, deux personnalités - le journaliste Karim Rissouli et le réalisateur Cyril Dion - ont pris la parole sur les réseaux sociaux.
"J'ai mal au bide en tant qu'homme", a déclaré Karim Rissouli. "C'est peut être le premier grand procès de la masculinité où on prend collectivement conscience que notre façon d'être des hommes dans ce pays depuis des siècles a des conséquences".
"Peut-être que c'est le moment qu'on soit de nombreux hommes à prendre la parole sur le sujet" a indiqué Cyril Dion.
- #Notallmen -
Manifestation à Paris le 14 septembre 2024 en soutien à Gisèle Pelicot et aux femmes victimes de viols en France ( AFP / Ian LANGSDON )
Le militant et thérapeute Morgan Noam, qui avait appelé samedi à un "réveil féministe masculin", a depuis lancé un appel aux "personnalités publiques masculines" qui "souhaiteraient agir face à l'urgence de se positionner ouvertement contre le système de domination et de violences masculines".
Reste à savoir dans quelle mesure ces appels seront entendus. Sur les réseaux sociaux, le procès des viols de Mazan s'est accompagné d'une résurgence du mot-clef #notallmen (#pastousleshommes), signe pour les associations féministes du "long chemin qu'il reste à parcourir".
Par cette expresssion, les internautes, majoritairement des hommes, entendent dénoncer toute généralisation, estimant qu'il s'agit avant tout d'un problème individuel et non systémique.
"Il y a depuis longtemps des hommes engagés contre les violences masculines", relève le politologue québécois Francis Dupuis-Déri, citant "La campagne du ruban blanc" au Canada, le mouvement "Men Against Violence and Abuse" en Inde ou encore en France avec les voix qui ont pu s'élever lors des différentes vague #Metoo.
Mais il reste encore de nombreux "hommes qui préfèrent se taire ou même approuver, plutôt que de risquer de perdre les liens avec un ami, un camarade, un collègue, un patron abuseur", ajoute l'auteur des "Hommes et le féminisme : faux amis, poseurs ou alliés ?" (Textuel, 2023).
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