L'année 2024 est la plus meurtrière depuis le début du phénomène des traversées de la Manche à bord de canots pneumatiques de fortune, en 2018 ( AFP / Sameer Al-DOUMY )
Un enfant de deux ans, deux hommes, une femme "écrasés" dans deux canots surchargés lors de tentatives de traversée vers l'Angleterre: deux nouveaux drames migratoires sont venus alourdir samedi un bilan humain déjà record en 2024 dans la Manche.
Ces deux épisodes, intervenus alors que les tentatives de traversées se sont multipliées depuis jeudi à la faveur d'une fenêtre météorologique favorable, portent à 51 le nombre de migrants décédés depuis janvier dans la Manche, selon le bilan établi par le préfet du Pas-de-Calais, Jacques Billant.
Sur une première embarcation transportant près de 90 personnes et frappée par une panne de moteur, au large de Boulogne-sur-Mer, un enfant de deux ans a été récupéré inanimé et n'a pas pu être sauvé, a expliqué le préfet lors d'une conférence de presse.
Selon les premiers éléments, l'enfant a été "écrasé", a indiqué le procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, Guirec Le Bras.
Quatorze autre migrants ont été pris en charge par les secours, dont un adolescent de 17 ans qui a été hospitalisé pour des brûlures aux jambes, a précisé le préfet. Les autres passagers du canot ont souhaité continuer leur route vers l'Angleterre.
Sur une deuxième embarcation, également surchargée et partie des côtes du Calaisis, "plusieurs pannes moteur ont généré des mouvements de panique" et des migrants sont tombés à la mer mais ont pu être secourus.
Trois personnes, deux hommes et une femme d'environ 30 ans, ont ensuite été découvertes inanimées au fond de l'embarcation, "vraisemblablement écrasées, étouffées et noyées au moment des bousculades, dans les 40 cm d'eau présents au fond de l'embarcation pneumatique", selon le préfet.
Sur ces trois victimes adultes, l'une est vietnamienne et deux sont d'"origine africaine", tandis que l'enfant décédé dans le premier canot est né en Allemagne d'une mère somalienne, selon le procureur, qui annonce l'ouverture de deux enquêtes distinctes.
- "Surchargées, sous-gonflées, sous motorisées" -
"Épouvantable drame qui doit tous nous faire prendre conscience de la tragédie qui se joue. Les passeurs ont le sang de ces personnes sur les mains et notre gouvernement intensifiera la lutte contre ces mafias qui s'enrichissent en organisant ces traversées de la mort", a écrit le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau sur X.
Samedi, 237 personnes ont été secourues en mer, selon la préfecture maritime, et depuis jeudi soir, 31 tentatives de traversées ont été empêchées par les forces de l'ordre, selon le préfet.
Le préfet du Pas-de-Calais, Jacques Billant, le 5 octobre 2024, à Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais ( AFP / Matthieu GUILLOT )
"Les embarcations sont surchargées, elles sont de mauvaise qualité, sous-gonflées, sans plancher, sous-motorisées et sans gilet de sauvetage pour tous les occupants", a-t-il déploré.
Il a également dénoncé le comportement des passeurs qui, "pour sécuriser leurs gains (...) n'ont pas hésité à séparer des enfants en bas âge de leurs parents à qui ils n'ont pas permis l'accès au bateau, tandis que l'enfant seul avait été pris de force dans l'embarcation".
"Ce nouveau drame montre bien la nécessité de lutter sans relâche contre les réseaux de passeurs qui exploitent la détresse humaine. Et aussi de trouver des solutions pour éviter que quiconque tente ces périlleuses traversées", a réagi le Premier ministre Michel Barnier, sur X.
Depuis janvier, plus de 25.000 migrants sont arrivés sur les côtes britanniques après avoir traversé la Manche à bord d'embarcations de fortune, selon des chiffres du ministère britannique de l'Intérieur publiés le 23 septembre.
Avant les événements de samedi, une série de naufrages avait déjà fait de 2024 l'année la plus meurtrière dans la Manche depuis le début en 2018 du phénomène des traversées à bord de canots pneumatiques, avec un bilan s'établissant à au moins 46 décès.
Le corps d'un autre migrant a été retrouvé récemment, portant le bilan à 51 après les quatre décès de samedi selon M. Billant.
Élu en juillet, le gouvernement britannique du travailliste Keir Starmer a promis de s'attaquer à l'immigration illégale en augmentant le nombre d'expulsions de migrants et en luttant contre les passeurs.
"Pour que cessent ces drames, l'action de l'État doit changer, en menant une action de sauvetage humanitaire en mer, accompagnée d'une politique d'accueil en France et de passage sûr vers l'Angleterre", a exhorté pour sa part l'association d'aide aux migrants Utopia 56.
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