La cheffe de file du Rassemblement national Marine Le Pen répond aux journalistes lors de sa rentrée à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) le 8 septembre 2024 ( AFP / Denis Charlet )
Le Rassemblement national de Marine Le Pen, qui se targue d'un rôle d'arbitre, a soufflé ce week-end le chaud et le froid sur le gouvernement du nouveau Premier ministre Michel Barnier, entre promesses de ne pas participer "au désordre" et menaces de censure.
Est-ce une manière de revisiter le jeu du chat et de la souris ? Alors que Michel Barnier a poursuivi dimanche ses consultations pour former son équipe ministérielle et définir sa feuille de route, le Rassemblement national, dont les dirigeants ont saturé l'espace médiatique ce week-end, a fait savoir qu'il entendait plus que jamais se poser au centre du jeu.
Son bras armé: le contingent de 126 députés à l'Assemblée - et même 142 avec l'appoint des alliés d'Eric Ciotti - qui pourrait tenir dans ses mains l'avenir du futur gouvernement.
"Nous n'accordons pas de blanc-seing. Si au fil des semaines, les Français devaient à nouveau être oubliés ou maltraités, nous n'hésiterions pas à censurer le gouvernement", a ainsi tonné dimanche Marine Le Pen de son fief d'Hénin-Beaumont, où elle faisait sa rentrée.
Face à la presse et dans son discours, la cheffe de file des députés RN a alterné bons points à Michel Barnier et mises en garde.
Pour elle, hors de question de le condamner d'emblée. A l'image du député RN Jean-Philippe Tanguy qui, après avoir qualifié hâtivement mercredi avant sa nomination M. Barnier de "fossile de la vie politique" et d'"un des hommes politiques les plus stupides de la Ve République", a dû manger dimanche son chapeau sur BFMTV en admettant qu'il n'aurait pas dû "s'exprimer ainsi envers un autre homme politique".
Mme Le Pen a salué la recherche du "compromis" entreprise par M. Barnier, conformément à ce qu'elle attendait d'un Premier ministre "respectueux des 11 millions d'électeurs du Rassemblement National".
Elle a également estimé que l'ancien commissaire européen n'était pas "responsable du bilan" d'Emmanuel Macron, notamment de "l'équation budgétaire quasi intenable" laissée "en héritage". Et ce même si la droite LR, c'est-à-dire "la famille politique de M. Barnier", "a accompagné tous ces errements au fil des années sans jamais accepter de censurer Emmanuel Macron".
- "Lignes rouges" -
Alors que, samedi, le patron du RN Jordan Bardella avait assuré ne pas vouloir participer "au désordre institutionnel et au chaos démocratique" en renversant d'entrée M. Barnier, Mme Le Pen a insisté dimanche en jugeant "qu'il ne serait pas très raisonnable d'effectuer une censure après son discours de politique générale".
Le Premier ministre français Michel Barnier lors de sa visite à l'hôpital Necker à Paris le 7 septembre 2024 ( AFP / Ludovic MARIN )
Avec un codicille toutefois: que cette déclaration, annoncée par M. Barnier pour "début octobre", corresponde "sur un nombre de sujets non négligeables aux espérances que nous portons".
Car pour le RN, M. Barnier est "sous surveillance", ainsi que l'a formulé samedi matin Jordan Bardella. "Ce n'est pas une menace, c'est un fait arithmétique", a défendu dimanche Mme Le Pen.
"C'est pas un gouvernement sous surveillance, c'est un gouvernement sous bienveillance d'extrême droite", a grincé sur LCI le député ex-Insoumis Alexis Corbière.
Désireuse de peser, Mme Le Pen compte, "dès les prochaines semaines, indiquer au Premier ministre les lignes rouges et les mesures (...) dont la prise en compte est indispensable". En appelant Emmanuel Macron à avoir recours aux référendums, notamment sur "le pouvoir d'achat, l'immigration, la sécurité, la santé".
La rentrée parlementaire du RN, de jeudi à dimanche à Paris, devrait permettre au parti de préciser ses attentes.
Le casting gouvernemental sera scruté car "ça n'aurait pas de sens que M. Barnier (...) nomme un ministre qui nous a insultés", a fait valoir M. Tanguy, citant le cas du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti. Le député a évoqué en revanche des "personnes compétentes à gauche", comme l'ancien ministre de l'Economie Arnaud Montebourg.
A quelques heures de la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques, Michel Barnier s'est rendu aux abords du Stade de France pour saluer les forces de sécurité et les bénévoles mobilisés.
"Je ne crois pas que je sois là par défaut", a répondu M. Barnier en marge de cette visite, exprimant sa "détermination" et un "devoir d'humilité".
Plus tôt dans la journée, il avait continué son tour de table pour former un gouvernement en recevant les dirigeants d'Horizons, dont son prédécesseur à Matignon Edouard Philippe, puis le patron du MoDem François Bayrou.
Le chef de file des députés Horizons Laurent Marcangeli a souligné, à l'issue de l'entretien, des "convergences" avec le nouveau locataire de Matignon, n'excluant pas la participation de sa formation au gouvernement.
Dès lundi, Michel Barnier va poursuivre ses consultations avec la réception de représentants du groupe Liot à 15H00, ont-ils indiqué à l'AFP.
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