Le porte-avions américain USS Gerald R. Ford et son groupe aéronaval, le 13 novembre 2025 dans l'océan Atlantique ( DoD / Gladjimi Balisage )
La Maison Blanche a confirmé lundi qu'un amiral américain, sous l'autorité du ministre de la Défense, avait ordonné de tuer les survivants d'une frappe sur un bateau de trafiquants de drogue présumés, un acte dont la légalité est ouvertement questionnée, en pleine crise avec Caracas.
Depuis août, les Etats-Unis ont considérablement renforcé leur présence militaire en mer des Caraïbes au nom de la lutte contre le narcotrafic. Le président Donald Trump la justifie en accusant son homologue vénézuélien de diriger un cartel de la drogue.
Caracas dément, qualifie ces frappes d'exécutions extra-judiciaires et rétorque que l'objectif du milliardaire américain est de renverser Nicolas Maduro pour mettre la main sur le pétrole du pays.
Un total de 11 personnes avaient péri, début septembre, après une double frappe américaine dans les eaux internationales contre un bateau soupçonné de transporter des stupéfiants. La première d'une vingtaine d'attaques qui ont fait 83 morts.
Mais la polémique n'a pris de l'ampleur que la semaine dernière, lorsque le Washington Post a révélé que deux survivants de la première frappe, qui s'accrochaient désespérément à leur bateau en flammes, avaient été tués dans une seconde salve, autorisée par le ministre de la Défense Pete Hegseth.
Le Pentagone avait initialement démenti.
Mais la Maison Blanche a confirmé lundi que le ministre avait donné son feu vert à l'amiral Frank Bradley. Le commandant des opérations spéciales "a agi dans le cadre de ses fonctions et conformément à la loi régissant l'engagement militaire afin de garantir la destruction du bateau", a déclaré la porte-parole de la présidence Karoline Leavitt.
- "Héros américain" -
"Je soutiens Bradley et les décisions qu'il a prises au combat, lors de la mission du 2 septembre et toutes les autres depuis", a renchéri Pete Hegseth sur X, saluant "un héros américain, un vrai professionnel".
Mais le débat n'en finit plus de monter, y compris dans les rangs républicains et dans l'institution militaire, irrités qu'un officier de cette stature et avec de tels états de service puisse ainsi servir de fusible pour son ministre.
"Tout ça pour protéger Pete", dénonçait un responsable militaire au Washington Post sous couvert de l'anonymat, tandis qu'un autre regrettait que la présidence "livre aux interprétations" la chaîne des responsabilités.
Beaucoup, y compris dans la majorité, refusaient que soit jeté en pâture un soldat d'élite, ex-membre des prestigieux Navy Seal, les forces spéciales de la marine américaine, un combattant qui avait fait partie des premiers à débarquer en Afghanistan après les attentats du 11-Septembre 2001.
"Nous finirons par savoir ce qui s'est vraiment passé", a promis aux journalistes le républicain Roger Wicker, président de la Commission sénatoriale des forces armées, qui a ouvert une enquête sur ce dossier.
La tempête survient alors que l'administration Trump est régulièrement accusée, aux Etats-Unis comme à l'étranger, de prendre ses aises avec le respect du droit.
Début novembre, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme avait exhorté Washington à enquêter sur la légalité des frappes, posant l'hypothèse "d'exécutions extrajudiciaires". De nombreux experts l'ont depuis rejoint dans ses questionnements.
- "Illégal et immoral" -
"Les républicains comme les démocrates en viennent à la conclusion qu'il s'agissait d'un acte illégal et profondément immoral", a déclaré le sénateur démocrate Chris Murphy à la chaîne CNN.
Le ministre américain de la Défense Pete Hegseth, le 26 novembre 2025 à Saint-Domingue ( AFP / Felix Leon )
Pete Hegseth soutient que l'offensive contre les bateaux suspects en mer des Caraïbes et dans l'océan Pacifique était "conforme au droit des conflits armés et approuvée par les meilleurs juristes".
Mais la double frappe du 2 septembre semble enfreindre le manuel du Pentagone sur le droit de la guerre, disposant que "les ordres de tirer sur les naufragés seraient clairement illégaux".
Mark Kelly, sénateur démocrate et ex-pilote de chasse, a demandé une enquête au Congrès. "Je crains que s'il y avait effectivement (...) des survivants accrochés à un navire endommagé, cela puisse dépasser les limites", a-t-il relevé.
Donald Trump, pour sa part, a réuni son Conseil de sécurité nationale lundi sans que rien n'en filtre, après avoir évoqué jeudi la possibilité, "très bientôt", d'opérations terrestres sur des "trafiquants".
A Caracas, Nicolas Maduro a assuré à des milliers de ses partisans qu'il ne se laisserait pas intimider. "Nous voulons la paix, mais une paix avec souveraineté, égalité, liberté! Nous ne voulons pas la paix des esclaves, ni la paix des colonies!", a-t-il lancé.

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