ENCADRE-Cinq questions sur la procédure de divorce après le référendum
par Alastair Macdonald BRUXELLES, 24 juin (Reuters) - Les Britanniques ont choisi jeudi de quitter l'Union européenne, dont ils étaient membres depuis 1973. Aperçu en cinq questions des implications de ce vote sur leurs relations avec leurs partenaires européens. 1. QUE SIGNIFIE LA VICTOIRE DU CAMP DU BREXIT ? L'Union européenne, en état de choc, entre en territoire inconnu. Aucun Etat membre n'a encore invoqué l'article 50 du traité européen de Lisbonne qui prévoit que "tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l'Union" mais offre peu de détails sur les modalités de la procédure de divorce. Même s'il fixe un délai de deux ans, nombre d'observateurs redoutent que le processus puisse rapidement tourner à la foire d'empoigne, perturbant l'économie et les affaires européennes à tous les niveaux. David Cameron avait annoncé qu'il informerait "immédiatement" ses partenaires européens si la Grande-Bretagne optait pour le Brexit en invoquant l'article 50 (voir ci-dessous). Mais le Premier ministre britannique, défait dans les urnes et sous la pression de la frange eurosceptique de son Parti conservateur, a annoncé vendredi matin qu'il démissionnerait d'ici octobre et qu'il laisserait à son successeur le soin d'enclencher le compte à rebours des deux années prévues avant la séparation. "Le nouveau Premier ministre devra choisir à quel moment il sera opportun d'invoquer l'article 50 du Traité de Lisbonne", a-t-il dit dans une allocution solennelle devant le 10, Downing Street. La Commission européenne, elle, ne peut pas prendre l'initiative. Et les nombreux dirigeants européens qui espéraient que Cameron lancerait officiellement le processus lors du Conseil européen de mardi prochain à Bruxelles devraient en être pour leurs frais. Dans le camp du "Brexit", certains responsables ont plaidé pour différer le déclenchement de la procédure afin de se donner plus de temps pour négocier, voire obtenir la garantie d'un accès britannique aux marchés européens une fois le divorce entériné. De nombreux dirigeants européens ont prévenu les Britanniques qu'une sortie de l'UE serait "irréversible". "Dehors, c'est dehors" (Out is out), expliquent-ils. Les grandes puissances du bloc communautaire semblent cependant privilégier une transition aussi ordonnée que possible vers un nouveau statut entre le Royaume-Uni et l'UE, qui nécessitera l'assentiment de Londres et d'une majorité des Vingt-Sept. Cela pourrait passer par une extension du délai de deux ans, mais il faudra pour cela l'unanimité des Etats membres de l'UE. Tout au long de la procédure, le Royaume-Uni restera en principe membre de l'UE mais sera exclu des discussions portant sur les conditions de son départ. En pratique, de nombreux observateurs s'attendent à ce que les ministres et les eurodéputés britanniques soient rapidement exclus des questions européennes. "La procédure de l'article 50 est un divorce: qui obtient la maison, qui obtient la garde des enfants, qui récupère les comptes en banque", note un haut responsable de l'UE, qui pointe parmi les priorités le règlement de la question du budget européen et le statut des millions de Britanniques qui vivent dans d'autres pays de l'UE et inversement. Si aucun accord ne peut être conclu, les lois et directives européennes cesseront simplement de s'appliquer au terme de cette période de deux ans. Quant à l'accord obtenu en février dernier par Cameron garantissant une exemption concernant l'objectif d'une "Union sans cesse plus étroite", des concessions importantes sur les prestations sociales versées aux travailleurs européens installés dans le pays et une préservation des avantages de la City, il est caduque. 2. QUE VONT FAIRE LES EUROPÉENS DANS L'IMMÉDIAT ? Les discussions et contacts entre Européens se multiplient depuis que l'issue du référendum est connue. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a réuni vendredi matin le président du Parlement européen, Martin Schulz, le président du Conseil européen, Donald Tusk, et le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE, au Berlaymont, le siège de l'exécutif européen. Tusk, qui présidera le sommet de la semaine prochaine et s'est entretenu avec toutes les capitales européennes dans les jours précédant le scrutin, a réagi au nom du Conseil européen. "Je veux rassurer tout le monde sur le fait que nous étions préparés à ce scénario négatif", a-t-il dit, annonçant une réunion informelle des Vingt-Sept en marge du sommet de mardi et proposant d'entamer une "réflexion plus large sur l'avenir de l'Europe". Il pourrait aussi faire une tournée des grandes capitales européennes (Rome, Berlin, Paris) ce week-end, mais l'information n'est pas encore confirmée. Des contacts bilatéraux sont également en cours. François Hollande et Angela Merkel se sont parlé une vingtaine de minutes par téléphone vendredi matin. Ils se verront lundi à Berlin. Les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept sont attendus pour leur part dans l'après-midi à Luxembourg pour une réunion régulière. Et le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a invité ses homologues des cinq autres pays fondateurs de l'Union européenne à une réunion à Berlin samedi. Juncker pourrait présider dimanche une réunion d'urgence des 28 commissaires européens, dont le Britannique Jonathan Hill, chargé du portefeuille sensible de la supervision bancaire et des services financiers. Il pourrait choisir de démissionner. 3. QUE DIT L'ARTICLE 50 ? "1. Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l'Union. "2. L'État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l'Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l'Union. Cet accord est négocié conformément à l'article 218, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il est conclu au nom de l'Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen. "3. Les traités cessent d'être applicables à l'État concerné à partir de la date d'entrée en vigueur de l'accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l'État membre concerné, décide à l'unanimité de proroger ce délai. "4. Aux fins des paragraphes 2 et 3, le membre du Conseil européen et du Conseil représentant l'État membre qui se retire ne participe ni aux délibérations ni aux décisions du Conseil européen et du Conseil qui le concernent. "La majorité qualifiée se définit conformément à l'article 238, paragraphe 3, point b), du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. "5. Si l'État qui s'est retiré de l'Union demande à adhérer à nouveau, sa demande est soumise à la procédure visée à l'article 49." 4. QUE VA FAIRE L'UE DANS L'IMMÉDIAT ? L'Union va devoir rapidement combler un trou de 7 milliards d'euros, la contribution nette britannique à son budget annuel de 145 milliards d'euros qui était fixée jusqu'à 2020. L'UE devra aussi clarifier aussi vite que possible le statut des entreprises et des individus qui font valoir pour l'heure leurs droits européens en matière de commerce, de travail et de circulation de part et d'autre de la nouvelle frontière entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. La présidence tournante que Londres devait assumer pour six mois à compter du 1er juillet 2017 devrait être confiée à l'Estonie, voire à Malte ou à la Croatie. Un geste symbolique est également attendu pour faire la démonstration de l'unité des Européens face à la montée des sentiments eurosceptiques sur le continent, notamment en France où Marine Le Pen réclame déjà la tenue d'un référendum similaire. 5. QU'EST-CE QUI CHANGE ? En principe, rien ne change immédiatement. Les Britanniques restent pour le moment des citoyens européens comme les autres et les relations économiques et commerciales continuent sur les mêmes bases. Mais en matière de politique comme dans les investissements et le commerce, le départ à venir des Britanniques pourrait être rapidement intégré aux prises de décision et nourrir les réflexions. A plus long terme, l'UE pourrait aussi se retrouver à gérer la demande d'adhésion de l'Ecosse qui a majoritairement voté pour le "Remain" et où un nouveau référendum d'autodétermination, moins de deux ans après l'échec de la consultation de 2014, est à nouveau envisageable. Il existe un "consensus de Bruxelles" selon lequel la Grande-Bretagne serait la première pénalisée par sa décision. Un scénario envisagé est qu'à terme, elle pourrait revenir frapper à la porte communautaire, sur les modèles norvégien ou suisse par exemple, en échange de concessions sur la circulation des ressortissants européens ou la contribution au budget. Mais, avec prudence, les diplomates font valoir que bien des rebondissements sont possibles. VOIR AUSSI Les REACTIONS internationales: Les REACTIONS au Royaume-Uni: Les REACTIONS en France: LE POINT sur le référendum: (Pierre Sérisier et Henri-Pierre André pour le service français, édité par Tangi Salaün)

Reuters content is the intellectual property of Thomson Reuters or its third party content providers. Any copying, republication or redistribution of Reuters content, including by framing or similar means, is expressly prohibited without the prior written consent of Thomson Reuters. Thomson Reuters shall not be liable for any errors or delays in content, or for any actions taken in reliance thereon. "Reuters" and the Reuters Logo are trademarks of Thomson Reuters and its affiliated companies.
Vous devez être membre pour ajouter des commentaires.
Cameron démissionne , le commissaire britannique devrait en faire autant. Boris Johnston devrait dérouler le tapis rouge aux 1600 employés britanniques qui travaillent à Bruxelles