Simon Leblanc, commandant de bord de la compagnie Transavia et sa copilote Zoe Castelleta, dans le cockpit du Boeing 737-800 sur le vol entre Séville et l'aéroport d'Orly. ( AFP / Benoît DUCROCQ )
"Ils nous ont changé le plan de vol", constate sur sa tablette Zoé Castelletta, peu après avoir atterri à Séville. Le retour vers Paris sera plus long, un désagrément pour les passagers et un revers dans le "combat permanent" des pilotes pour réduire la consommation de leurs appareils.
Alors que les 1.423 km du trajet aller avaient été franchis en 2h16 par le Boeing 737-800 de Transavia, Mme Castelletta, copilote, et le commandant de bord, Simon Leblanc, espéraient rentrer à leur base en 1h50 grâce à des vents favorables.
Mais le verdict du centre de contrôle opérationnel de la compagnie low-cost du groupe Air France-KLM est tombé: des orages se développent sur le sud-ouest de la France en ce début de soirée, saturant la zone de contrôle aérien de Bordeaux. Il faut donc survoler l'Atlantique jusqu'à Nantes, puis bifurquer vers Orly, soit dix minutes de vol supplémentaires.
En prévision, les pilotes demandent à Séville 600 kg de kérosène de plus que l'emport minimum pour le trajet, huit tonnes incluant la réserve de sécurité. La profession calcule la masse du carburant et non son volume.
Les plans de vol agréés par le contrôle aérien définissent à la fois les altitudes et les trajets précis, via des couloirs aériens et des points de cheminement que les pilotes entrent dans le système informatique de l'appareil avant le décollage.
Mais ces trajectoires ne sont pas forcément les plus courtes ou efficaces, et les pilotes essaient de réaliser des économies tout au long du voyage en demandant des modifications de leur route lorsque c'est possible, "un combat permanent", explique M. Leblanc, chez Transavia France depuis les débuts de la compagnie en 2007 et aujourd'hui chef des pilotes de 737.
- Budget carburant -
A l'aller, l'équipage a obtenu d'emprunter un chemin plus direct jusqu'à Pampelune. Gain immédiat: 2 minutes 30 et 122 kg de carburant.
Simon Leblanc, commandant de bord de la compagnie Transavia et sa copilote Zoe Castelleta, dans le cockpit du Boeing 737-800 sur le vol entre Séville et l'aéroport d'Orly le 6 septembre 2024. ( AFP / Benoît DUCROCQ )
Le transport aérien est responsable de 2,5 à 3% des émissions mondiales de CO2 mais concentre les critiques car seule une fraction de la population mondiale l'emprunte. Face à la crise climatique, de nombreuses compagnies donnent des gages de décarbonation, sans attendre le "zéro émission nette" promis à l'horizon 2050.
Air France-KLM s'est fixé pour objectif de réduire de 30% ses émissions par passager transporté sur un kilomètre d'ici à 2030 par rapport à 2019. Chasser le "gaspi" permet aussi au groupe, qui a en 2023 acheté pour 7,3 milliards d'euros de carburant, le quart de son chiffre d'affaires, de dégager davantage de marge financière.
Transavia, en quête d'avantages concurrentiels face à easyJet, Ryanair, Wizz Air, Volotea ou Vueling, dont certaines communiquent sur leurs propres mesures d'écopilotage, affirme avoir ainsi économisé 8.000 tonnes cumulées l'année dernière, 100 kg en moyenne par vol.
La compagnie mise aussi sur de nouveaux aéronefs en cours de livraison, des Airbus A320neo consommant 15% de moins que les monocouloirs Boeing d'ancienne génération qui composent encore l'essentiel de sa flotte.
Sur leurs tablettes tactiles, dotées de suites d'applications de la société de services aériens Sita for Aircraft développées avec leur employeur, M. Leblanc et Mme Castelletta affinent leurs stratégies d'optimisation.
Et à la fin du vol, le logiciel MyFuelCoach d'une autre entreprise, Openairlines, donne le bilan: ont-ils réussi à évoluer au sol à l'arrivée sur un seul moteur, à calibrer l'emport de kérosène optimal, à effectuer une descente régulière ?
Le cockpit du Boeing 737-800 sur le vol entre Séville et l'aéroport d'Orly de la compagnie Transavia le 6 septembre 2024. ( AFP / Benoît DUCROCQ )
"Ce n'est pas un concours", tempère M. Leblanc, plutôt un guide individuel des bonnes pratiques, d'autant que les vols peuvent être tributaires d'impondérables comme la météo et la saturation de l'espace aérien. Et la sécurité reste la priorité absolue, insiste-t-il.
Dans le cas de ce Séville-Paris, les contrôleurs acceptent finalement une tangente à la hauteur de l'île de Ré, et l'avion peut se poser à Orly sans circuit d'approche, au bout d'1h52.
"Avec les aléas qu'on a eus, on a quand même réussi à économiser 200 kg", se félicite Mme Castelletta. A 25 ans, elle pilote depuis à peine un an chez Transavia et juge "cool de faire des efforts pour réduire notre impact".
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