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Câbles sous-marins : un marché en pleine expansion, symbole des luttes des puissances pour s'assurer le contrôle d'infrastructures stratégiques
information fournie par Boursorama avec Media Services 12/05/2021 à 10:11

Sous l'impulsion des géants américains de l'internet, le marché global des câbles sous-marins va doubler d'ici 2023, estime le fleuron français ASN qui espère doubler ses revenues d'ici 2023.

Installation d'un câble sous-marin.  ( AFP / JEAN-SEBASTIEN EVRARD )

Installation d'un câble sous-marin. ( AFP / JEAN-SEBASTIEN EVRARD )

"Peace", "Amitié"... Si en surface, les noms de câbles sous-marins de télécommunications sonnent comme une ode à la diplomatie et à la bonne entente commerciale entre les pays, en sous-marin, les quelque 420 câbles disséminés à travers le globe, qui font transiter 99% du trafic internet mondial, révèlent souvent des rivalités entre puissances étatiques concurrentes et reflètent une géopolitique des profondeurs. De l'appétit des géants américains de l'internet aux "nouvelles routes de la soie numériques" chinoises, les câbles symbolisent les luttes entre puissances pour s'assurer le contrôle d'infrastructures éminemment stratégiques.

En la matière, ce sont les Etats-Unis qui en possèdent la plus grande "concentration", rappelle à l' AFP Camille Morel, chercheuse rattachée au centre lyonnais d'études de sécurité internationale et de défense (CLESID) de l'Université Lyon III. Le nouveau vecteur principal de leur puissance ? L'appétit grandissant des géants américains du net, connus sous l'acronyme "Gafam", pour les câbles depuis la fin des années 2010, en raison de l'explosion des flux de données transitant notamment entre l'Europe et les Etats-Unis.

Si la pose et l'exploitation des câbles sous-marins ont longtemps été la chasse gardée de grands opérateurs télécoms souvent européens, ce sont désormais Google, Facebook et consorts qui deviennent les principaux bâtisseurs. "Il y a quatre ans, les Gafam n'avaient aucune capacité en propre sur l'Atlantique, ils louaient à des opérateurs historiques. Il y a deux ans, ils en contrôlaient 50%. Aujourd'hui ils en sont à 80%, et d'ici deux ans ils en seront à 95%", explique à l' AFP Jean-Luc Vuillemin, directeur des réseaux internationaux d'Orange.

"Nouvelles routes de la soie numériques"

Si l'Europe se retrouve en position de "dépendance forte" en matière d'écosystèmes de transmission et de fonctionnement de l'internet par rapport aux Etats-Unis, ce n'est pas le cas de pays comme la Chine où cette dépendance est "nulle". "Si demain matin tous les câbles sous-marins qui relient la Chine au reste du monde sont coupés, pour 99% de la population chinoise, il ne se passera rien du tout", affirme Jean-Luc Vuillemin.

Début mars, Facebook et Google ont par exemple dû interrompre en urgence la construction d'un câble sous-marin qui aurait dû relier la Californie à Hong Kong, à cause des fortes tensions diplomatiques entre les Etats-Unis et la Chine. "Vous ne pouvez plus mettre un câble direct entre les deux pays. C'est un peu les mêmes discussions que l'on retrouve sur la 5G", confirme à l' AFP Alain Biston, PDG du fleuron français Alcatel Submarine Networks (ASN), leader mondial de la construction de câbles sous-marins.

Pour affirmer sa souveraineté dans ce domaine, la Chine tisse même sa propre toile au fond des océans à travers ses "Nouvelles routes de la soie numériques", le pendant technologique d'un vaste programme d'infrastructures destiné à projeter sa puissance économique en dehors de ses frontières. Symbole marquant : le câble Peace, financé par des acteurs chinois, lancé en 2018. Il contourne l'Inde, grande rivale, pour connecter l'allié pakistanais au reste de l'Europe depuis Marseille, et dessert aussi le Kenya.

Si le français ASN, l'américain TE SubCom et le japonais NEC dominent un marché de construction de câbles estimé à 2 milliards d'euros, la Chine compte également faire monter en puissance son propre champion grâce au récent rapprochement entre Huawei Marine Networks et Hengtong Optic-Electric. Un nouvel acteur capable de bouleverser l'oligopole actuel ? "Quand on voit à quelle vitesse il intervient sur le marché, on peut se poser la question. Peut-être pas tout de suite mais dans cinq ans", estime Camille Morel.

Un marché en pleine expansion et recomposition

En attendant, sous l'impulsion des géants américains de l'internet, le marché global des câbles sous-marins va doubler d'ici 2023, a assuré à l' AFP Alain Biston, le PDG d'ASN, qui espère conforter sa position de leader grâce à l'appui de Nokia, actionnaire à 100% depuis 2015.

"Notre vision c'est que le marché va passer en gros à 4 milliards d'euros", a déclaré Alain Biston. "On va essayer de suivre le marché, de faire deux fois plus que ce qu'on faisait avant", ajoute le patron de l'entreprise française, qui fabrique, pose et entretient les câbles sous-marins, et qui est, selon ses calculs, "aux alentours de 35% (de part de marché) sur les commandes".

Les Gafam sont aujourd'hui "les principaux clients" d'ASN, indique Alain Biston. "Ils ont permis de réduire la cyclicité de ce 'business' puisque avant vous aviez un gros projet environ tous les 12 à 15 mois. Maintenant on est quand même pas loin de 3-4 projets par an. Les Gafam doivent participer à environ 60%, peut-être même 70% des projets qui existent dans l'année", estime-t-il.

Considéré comme un actif crucial par la France, ASN occupe une place de choix dans un secteur éminemment stratégique. "L'Europe a la chance d'avoir un acteur majeur de ce domaine sur son territoire. Si nous n'étions pas là, il n'y aurait absolument plus de technologie sous-marine en Europe", souligne Alain Biston, ajoutant que la pandémie de Covid-19 a mis un "coup de projecteur" sur le caractère "extrêmement critique" de cette industrie. "L'intérêt pour l'Europe, c'est que s'il y a un besoin d'un projet particulier, nous avons toute la technologie et la maîtrise disponible au sein de l'Europe" pour le réaliser, ajoute-t-il.

Navires russes et espionnage

Un élément important d'autant que, infrastructures sensibles sur le plan géostratégique, les câbles sous-marins n'échappent pas non plus aux risques d'espionnage et de sabotage. Au point de voir leur protection inscrite à l'ordre du jour d'une réunion des ministres de la Défense de l'OTAN fin octobre, alors que les marines occidentales ont repéré un fort intérêt des navires russes pour les câbles des pays de l'alliance sans en connaître les raisons.

Fin mars dernier, le ministère de la Défense britannique a d'ores et déjà annoncé qu'un nouveau navire de surveillance destiné à protéger ses câbles sous-marins et d'autres infrastructures entrera en service d'ici 2024. Signe d'une réelle menace ? "En théorie, il est possible de brancher une bretelle d'espionnage sur une fibre optique en profondeur. Mais il y a tellement de 'si' pour y arriver que cela paraît quand même extraordinairement improbable", estime Jean-Luc Vuillemin, à l'unisson des experts sur le sujet.

1 commentaire

  • 12 mai 10:32

    C'est bien de faire peur aux gens avec les espions russes pendant que le réseau est sous contrôle et écoute US.


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