Marseille horrifiée après le meurtre d'un 2e frère d'un écologiste engagé contre le narcobanditisme
information fournie par AFP 14/11/2025 à 16:03

Le militant écologiste Amine Kessaci pose à Marseille le 27 mai 2024 ( AFP / Nicolas TUCAT )

"Changement de dimension", "bascule criminelle": Marseille est vendredi sous le choc après le meurtre d'un deuxième frère d'Amine Kessaci, militant écologiste de 22 ans engagé dans la lutte contre le narcobanditisme, le parquet n'excluant pas l'hypothèse d'un assassinat d'avertissement.

Amine Kessaci "souhaite pour le moment garder le silence", insistent les Ecologistes.

Jeudi, aux alentours de 14H30, Mehdi, son petit frère de 20 ans et qui voulait devenir policier, a été abattu près d'une salle de concert par deux personnes à moto, activement recherchées.

En 2020, cette famille de six enfants avait déjà été endeuillée par l'assassinat de Brahim, dont le corps avait été retrouvé carbonisé dans un véhicule.

Concernant l'assassinat de Mehdi, l'enquête ne fait que débuter. Seule certitude: il s'agit d'une "victime innocente", selon une source proche de l'enquête, inconnue des services de police et de justice, selon le parquet.

Ce drame relance le débat sur la dangereuse lutte contre le narcobanditisme dans la deuxième ville de France.

Le procureur Nicolas Bessone n'exclut pas l'hypothèse d'un assassinat d'avertissement visant à atteindre Amine Kessaci, qui était sous protection policière depuis quelques semaines, selon une source proche de l'enquête.

"Si tel devait être le cas, on aurait franchi une étape supplémentaire. Ca rappelle un certain nombre de périodes terribles connues dans notre pays, où vous allez assassiner des gens, simplement parce qu'ils sont membres d'une famille avec laquelle vous avez des problèmes", a-t-il estimé sur Franceinfo.

"Si l'hypothèse d'un assassinat d'avertissement, destiné à décourager Amine de son engagement contre le narcotrafic qui gangrène notre ville, était confirmée, nous serions devant un changement de dimension absolument terrifiant, où l'on méprise la vie pour des menaces, de l'argent ou du pouvoir", s'est inquiété le maire divers-gauche Benoît Payan dans une déclaration à l'AFP.

Le ministre de l'Intérieur Laurent Nuñez assure "suivre évidemment de très très près cette affaire, en lien avec la préfecture et les services de police sur place", selon son entourage.

La classe politique locale a unanimement fait part de son effroi comme l'écologiste Sébastien Barles qui parle de "bascule criminelle".

- "aggravation des actes" -

Concernant Amine Kessaci - qui en 2024 manquait de peu d'être élu député face à une candidate Rassemblement national - la menace le visant n'a pas été identifiée précisément, selon la source proche de l'enquête.

Mais elle intervient dans le contexte de la parution de son livre qui est une sorte de longue lettre adressée à son grand frère Brahim, qui n'avait pas le même père que lui, avec ce sous-titre "Vivre et mourir en terre de narcotrafic", selon cette source. Avec la perspective du procès attendu en 2026 des assassins présumés de Brahim et de deux autres hommes tués avec lui. Ce fait-divers fut à l'époque un électrochoc et les autorités ont commencé à partir de là à parler d'une forme de cartélisation comparable à ce qu'il se passe en Amérique du Sud.

Vendredi, une cagnotte a été lancée par l'association Conscience qu'il a créée pour soutenir la famille. Cette structure veut justement oeuvrer pour aider les familles de victimes de narchomicides.

"Amine paie le prix fort pour son combat", a réagi auprès de l'AFP Karima Méziène, avocate de familles de victimes et qui a elle-même perdu son frère dans un règlement de comptes. "On s'en prend à une famille pour museler la parole, ça va refroidir pas mal de monde", déplore cette militante, dénonçant "des méthodes de la mafia italienne".

"Cette fois, c'est un symbole encore plus fort qui est touché: celui de l'espoir, de la résistance, de la parole libre", écrit l'association Adelphi'cité, qui agit dans les quartiers et dont Amine Kessaci est membre.

Pour le criminilogue Jean-Baptiste Perrier, ce nouvel assassinat s'inscrit dans "une longue progression, une longue aggravation des actes". "Là, la personne intimidée ne participe pas au trafic". Et au contraire, le militant écologiste "a fait plutôt de la lutte contre le trafic un sujet, donc c'est vraiment nouveau".

A Marseille, avant 2020/2021 les victimes étaient bien ancrées dans le narcobanditisme, puis les cibles sont devenues les petites mains du trafic, parfois mineures et touchées à l'aveugle.

Les auteurs aussi sont de plus en plus jeunes. Il y a un an, un adolescent de 14 ans à peine, recruté pour 50.000 euros, était arrêté après avoir tué un chauffeur VTC et père de famille, avant même d'approcher sa cible initiale.

Selon un décompte de l'AFP, 14 personnes ont perdu la vie dans des narchomicides depuis le début de l'année dans les Bouches-du-Rhône.