Flou sur ses intentions, Lecornu laisse les oppositions sur leur faim information fournie par AFP 17/09/2025 à 21:57
A la veille d'une journée de manifestations, Sébastien Lecornu est resté évasif mercredi sur ses intentions en recevant les oppositions, qui sont restées sur leur faim et agitent toujours la menace d'une censure, à commencer par les socialistes, indispensables pour la survie du futur gouvernement.
Les représentants de la gauche et du Rassemblement national ont été reçus tour à tour, longuement, par le nouveau Premier ministre macroniste. La France insoumise est le seul parti à avoir refusé l'invitation.
"Nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, à sa sortie de Matignon, jugeant M. Lecornu "très flou sur ses intentions".
"On n'a pas eu de réponses très claires", a renchéri la patronne des Ecologistes Marine Tondelier, tout en reconnaissant "une grosse rupture" sur "la forme et sur la qualité des rendez-vous" avec son prédécesseur François Bayrou, renversé début septembre par l'Assemblée nationale après avoir présenté un plan de réduction du déficit budgétaire décrié par tous les opposants. Donc "soit Sébastien Lecornu renverse la table, soit il sera renversé", a complété la cheffe de file des députés verts Cyrielle Chatelain.
- Quelles "ruptures"? -
Au Premier ministre de "prouver qu'il est véritablement dans une rupture" avec "la politique macroniste", a déclaré ensuite Marine Le Pen, cheffe des députés du RN, pour qui "ce soir, on n'est nulle part". "S'il poursuit la politique qui est menée jusqu'à présent, alors il tombera", a mis en garde à ses côtés le président du parti d'extrême droite Jordan Bardella.
Chacun à sa manière, les partis d'opposition disent vouloir prendre au mot le chef de gouvernement qui a promis à son arrivée des "ruptures" sur le fond et sur la forme, mais n'en a pas encore défini le contenu. Tous le menacent ouvertement de censure s'il ne répond pas à leurs demandes.
Sébastien Lecornu, qui a déjà rencontré syndicats et patronat, ne s'est pas montré plus précis dans la lettre adressée mercredi aux maires de France: il s'est borné à promettre d'"inscrire" dans le budget 2026 "une plus juste reconnaissance" de leur "engagement comme agents de l'État".
Ce très proche du président Emmanuel Macron doit à présent réunir jeudi, pour la deuxième fois, les chefs des partis du "socle commun", cette fragile coalition gouvernementale entre le centre et la droite née il y a un an et qu'il ambitionne de mieux coordonner.
Il n'est pas clair dans l'immédiat s'il envisage un nouveau round de consultations avec les opposants pour tenter de conclure un pacte de non-censure avec, au moins, le PS. Il doit ensuite former son gouvernement, avant de prononcer sa déclaration de politique générale devant le Parlement -- a priori "début octobre", selon Marine Tondelier.
- Pression de la rue -
"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution" d'Emmanuel Macron, "nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a plaidé Olivier Faure. Mais s'il s'agissait de reprendre le plan Bayrou, "nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", a-t-il prévenu.
Ces rencontres se font sous la pression de la rue, syndicats et partis de gauche promettant un jeudi "noir" de grèves et manifestations. A l'unisson des autres chefs de la gauche, le communiste Fabien Roussel a exhorté les Français à "sortir massivement" pour que leurs revendications viennent jusqu'aux "oreilles" de Sébastien Lecornu.
Le Premier ministre a déjà fait des gestes: retrait de la proposition impopulaire de supprimer deux jours fériés et suppression, très symbolique, des derniers avantages "à vie" octroyés aux ex-Premiers ministres.
Les socialistes comme les écologistes ont mis en avant un sondage Ifop montrant que les Français, quelle que soit leur sensibilité, plébiscitent les mesures poussées par le PS (commanditaire de l'étude).
Parmi elles, la création d'une taxe de 2% sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros, la taxe Zucman qui enflamme le débat budgétaire.
"Si on veut la stabilité, eh bien il faut que les multimilliardaires payent leur juste part à l'effort commun", a martelé Raphaël Glucksmann, pour Place publique, tout en relevant qu'il ne semblait pas y avoir, chez Sébastien Lecornu, "un refus absolu de discuter de l'objectif" porté par la taxe Zucman.
Marine Le Pen a pour sa part aussi mis en avant la nécessité d'agir contre l'immigration.