Des manifestants autochtones perturbent de nouveau la COP30 en Amazonie information fournie par AFP 14/11/2025 à 20:08
Des manifestants autochtones d'Amazonie mécontents de leur traitement par le gouvernement de Lula ont bloqué vendredi pacifiquement l'entrée principale de la COP30 à Belem et perturbé les travaux de la conférence de l'ONU, arrachant des réunions au sommet avec des responsables brésiliens.
Le blocage d'environ deux heures est survenu alors que la sécurité de l'événement (10-21 novembre), coorganisé par le gouvernement brésilien et l'ONU Climat, est en question depuis une incursion mardi soir d'autres protestataires indigènes, qui s'étaient heurtés aux agents de sécurité.
Vendredi matin, le rassemblement de membres de la communauté munduruku a semé un certain chaos et perturbé l'agenda des dizaines de milliers de délégués et d'observateurs. Il a aussi forcé le président de la conférence, André Correa do Lago, à annuler sa participation à des événements pour se rendre sur place et engager le dialogue.
Les quelques dizaines de manifestants - torses nus et portant des ornements traditionnels pour la plupart - se sont placés devant l'entrée principale de la "zone bleue", coeur de la conférence où se déroulent les négociations; cette entrée-là a été alors fermée. Ils comptaient des hommes et femmes de tous âges, venus avec plusieurs bébés et enfants.
"Lutter pour notre territoire c'est lutter pour notre vie", proclame la pancarte de l'un des manifestants, venus dénoncer de grands projets d'infrastructures en Amazonie et demander à voir le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva.
"Viens Lula, montre-toi!", a lancé Alessandra Korap, une leader indigène. "Nous voulons être entendus, nous voulons également participer aux négociations", a-t-elle ajouté. "Nous avons trop de problèmes".
Des renforts militaires ont été dépêchés autour du site de la COP, avec des soldats casqués et armés munis de boucliers. De nombreux membres de la police militaire sont aussi visibles.
André Correa do Lago, fin diplomate brésilien, est alors arrivé pour parlementer, écoutant longuement les griefs, et portant pendant quelques minutes un bébé dans ses bras. Puis, serrant tout le long la main d'une des manifestantes, il a conduit l'ensemble du groupe dans un bâtiment public proche pour de longues réunions, avec les ministres Sonia Guajajara (Peuples indigènes) et Marina Silva (Environnement). Ce qui a permis la réouverture de la COP, en présence de très nombreux membres des forces de l'ordre.
A la sortie devant la presse, le diplomate a reconnu les "préoccupations très légitimes" des manifestants et promis de "chercher à avancer".
Ces membres de la communauté munduruku réclament des progrès dans la démarcation de leurs terres. Ils contestent aussi le projet de construction de Ferrograo, une voie ferrée de près de 1.000 km censée traverser le Brésil d'ouest en est pour acheminer la production de céréales.
- "Tirer l'oreille" -
Lors d'une autre réunion de plusieurs heures avec d'autres groupes indigènes amazoniens, le président de la conférence s'est voulu apaisant.
"Vous pouvez être sûrs que ce gouvernement vous défend à la COP30", a-t-il dit à ses interlocuteurs, niant toute "menace" sur leurs droits.
Lula est un allié revendiqué de la cause autochtone. A son crédit: l'homologation de 16 terres indigènes depuis son retour au pouvoir début 2023, la chute spectaculaire de la déforestation ou la nomination d'une figure respectée, Sonia Guajajara, à la tête du tout premier ministère des Peuples indigènes.
Mais beaucoup déplorent la lenteur dans la démarcation de terres indigènes et l'exploration pétrolière lancée en octobre près de l'embouchure de l'Amazone.
Critiquant le projet pétrolier et Ferrograo, l'emblématique cacique nonagénaire Raoni avait dit mercredi au sujet de Lula, son cadet octogénaire: "Je vais prendre rendez-vous avec lui, et, si besoin est, je vais lui tirer l'oreille pour qu'il m'écoute".
Mardi soir, d'autres protestataires indigènes avaient forcé l'entrée de la "zone bleue" et s'étaient heurtés au personnel de sécurité, alimentant une polémique.
Selon la presse, le chef de l'ONU Climat, Simon Stiell, a dans un courrier aux autorités brésiliennes dénoncé une "violation grave du cadre de sécurité établi".
Tout en rappelant que la sécurité à l'intérieur de la "zone bleue" est "confiée" au département de la sécurité des Nations unies, le gouvernement brésilien a annoncé jeudi avoir renforcé le dispositif de sécurité.