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Acheter un fonds obligataire aujourd’hui : une fausse bonne idée ?
information fournie par TRIBUNE LIBRE 17/05/2024 à 14:00

(Crédits photo : Adobe Stock -  )

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par Laurent Chaudeurge, porte-parole de la Gestion de BDL Capital Management


Les fonds obligataires ont eu des mauvaises performances depuis quelques années et certains pensent que c'est le moment d'en acheter avec les baisses de taux de la BCE qui se profilent. L'idée est séduisante : l'OAT 10 ans rapporte 3%, si ce rendement baisse de 50bp (5 fois plus que ce qui est attendu actuellement) d'ici la fin de l'année, entre l'appréciation de l'obligation et le coupon reçu, la «performance totale» sera de 7%+.

Dans une note récente, Bill Gross, le célèbre investisseur américain fondateur de PIMCO, explique qu'il ne croit pas à ce scénario et qu'il ne faut pas acheter de fonds obligataire actuellement. C'est ironique quand on sait que c'est lui qui a popularisé les fonds obligataires grâce à des performances exceptionnelles sur les 40 dernières années, qui lui ont valu le surnom de «Bond King».

Il explique tout d'abord qu'il avait inventé le concept de « performance totale » dans les années 80, quand le taux américain à 30 ans était autour de 15%. A un tel niveau, la duration (sensibilité du prix de l'obligation à un mouvement de taux) était très faible et le coupon très élevé, ce qui permettait de calculer que même si les taux montaient à 17.5%, l'investisseur ne perdrait pas d'argent ! C'était un argument fort pour montrer que le risque était très asymétrique et qu'acheter un fonds obligataire était particulièrement intéressant.

Ce raisonnement a très bien fonctionné jusqu'au point bas des taux longs, à l'été 2020, quand la duration est alors devenue très élevée et le coupon inexistant. A ce moment-là, l'asymétrie s'est inversée et les fonds obligataires ont affiché des performances médiocres. Aujourd'hui, les taux longs restent trois fois moins élevés que dans les années 80, la duration est donc toujours beaucoup plus importante et le coupon reste faible, ce qui signifie que la protection est très limitée si les taux montent. Bill Gross en conclut que le concept de « performance totale », a perdu de son intérêt.

Ensuite, il explique que les taux longs dépendent du taux directeur de la banque centrale, de l'inflation et de la quantité de monnaie en circulation. C'est sur cette dernière variable qu'il construit la suite de son raisonnement et s'appuie sur le concept de l'économiste Milton Friedman qui montre que la croissance du PIB dépend de l'augmentation de la masse monétaire.

Dans le cas des Etats-Unis, cette croissance monétaire doit financer le déficit budgétaire et les intérêts financiers issus de l'endettement. Ainsi, il calcule que la dette publique américaine doit augmenter chaque année de 1000-2000 milliards de dollars (5-6% par an), au minimum, pour qu'il y ait de la croissance. C'est beaucoup d'argent supplémentaire qui doit trouver acquéreur. C'est pour cette raison que Bill Gross estime qu'il est probable que les taux longs montent (et que les taux courts baissent moins que prévu) afin d'attirer les investisseurs. Il conclut qu'avec des taux longs qui montent et un concept de «performance totale» qui est moins pertinent, acheter un fonds obligataire est finalement une fausse bonne idée.

Avons-nous le même problème en France et en Europe que ce que décrit Bill Gross aux Etats-Unis ? la réponse est Oui. Si l'on prend le cas de l'OAT 10 ans, notre benchmark de taux long le plus utilisé, son coupon était de 10% en 1990. A l'époque, même si les taux montaient de 175bp, la «performance totale» de l'investisseur n'était pas négative, cela offrait une bonne marge de sécurité. Aujourd'hui, l'OAT 10 ans est juste en dessous de 3% et l'asymétrie est bien moindre car, comme aux Etats-Unis, la duration est plus élevée et le coupon trois fois plus faible.

Sur le deuxième point de Bill Gross, malheureusement, la situation française est, comme pour les Etats-Unis, très dégradée. Depuis 2019, la dette publique nette a augmenté de €400 milliards pour atteindre €2900 milliards en 2023 (102.4% du PIB). Le déficit budgétaire s'est creusé, il est de €154 milliards en 2023, voire €200 milliards si les frais financiers étaient ajustés aux taux actuels. Il nous faut au minimum 5-7% d'augmentation annuelle de la dette française pour que notre pays puisse espérer avoir de la croissance. Comme aux Etats-Unis, c'est beaucoup d'argent supplémentaire (€170 milliards par an) à absorber, il faut donc que les rendements restent attractifs pour les investisseurs.

Le raisonnement de Bill Gross est ainsi parfaitement applicable à notre situation en France et en Europe. Non seulement le concept de « performance totale » d'une obligation est moins pertinent aujourd'hui avec des taux à 3% plutôt qu'à 10%, mais en plus ces taux longs ont des chances de monter à cause de la nécessaire augmentation structurelle de la dette. Nous sommes d'accord avec Bill Gross, le «Bond King», acheter un fonds obligataire actuellement est une fausse bonne idée.

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