Conjoncture Hebdo - n°195 > L'interview
avec le Centre de Prévision de L'Expansion
02/01/2006
"Les prix immobiliers vont baisser de 30 à 40% sur une période de 4 à 5 ans"
Jean Michel Guerin est président du groupe Particulier à Particulier.
Craignez vous un retournement du marché de l'immobilier en France en 2006 ?
Le retournement est déjà enclenché
mais il ne se voit pas encore dans les indices de prix. Depuis la rentrée de septembre, le marché immobilier s'est nettement tendu et on observe un décrochage des volumes, c'est à dire une baisse des transactions. Notamment dans l'ancien. Aujourd'hui seuls les produits de qualité (bon emplacement, bonne exposition, étage élevé, peu de travaux
) se vendent sans problème, à des niveaux de prix qui continuent de progresser. D'où la perception, fausse, que le marché continue de bien se porter. Il faut voir que le délai moyen de transaction est remonté à 8 semaines environ contre 4 semaines en moyenne en 2004. Lors de la précédente crise, il y a 15 ans, la baisse des prix de la pierre ne s'est réellement matérialisée qu'à la mi 1991 alors que les transactions diminuaient depuis le printemps 1990. Le retournement actuel paraît inévitable. D'une part, parce que les conditions d'emprunt vont repartir à la hausse, même modestement. D'autre part, parce que les ménages ne peuvent guère aller plus loin dans l'allongement de la durée des prêts.
Le dégonflement de la bulle sera-t-il brutal ?
Aussi brutal que le précédent
c'est à dire une baisse de l'ordre de 30 à 40% étalée sur 4 ou 5 ans. Le problème, c'est que le niveau d'endettement des particuliers est aujourd'hui plus élevé que lors de la précédente crise et que la durée moyenne des crédits est également plus longue. Prenons l'exemple d'un jeune couple qui s'est endetté sur 25 ans pour acheter son logement et qui, pour cause de chômage ou de divorce, doit revendre son bien au bout de cinq ans. En cas de baisse des prix, le fruit de la vente sera inférieure à ce qu'il doit encore à sa banque. Prenons un autre exemple : celui d'un investisseur qui a acheté à crédit un appartement bénéficiant de la défiscalisation De Robien et qui compte sur le versement d'un loyer pour payer la charge de l'emprunt. Les « packs » fiscaux proposés par les constructeurs ne tiennent évidemment pas compte d'une éventuelle baisse des loyers. Or ceux-ci ne progressent plus. Dans certains cas, la rentabilité de l'investissement pourrait donc être inférieure aux attentes, obligeant ainsi l'investisseur à fournir un effort financier non-anticipé pour rembourser le crédit. Le dégonflement de la bulle immobilière aura évidemment un impact sur la croissance de l'économie française.