Afrique : Les gérants font une timide 09:19 05/03/08
percée
La Tribune - 04/03/08 -
Ces dernières années, quelques sociétés de gestion comme Investec ou New Star ont lancé des fonds de placement investis en Afrique. JP Morgan envisage d'en lancer un dans les prochains mois. Les gérants veulent profiter de la hausse des prix des matières premières et des produits agricoles.
L'Afrique serait-elle en train de devenir un thème en vogue chez les gestionnaires d'actifs ? Après l'Amérique latine et surtout l'Asie, plusieurs fonds de placements ont en effet commencé à s'intéresser ces deux dernières années au vaste continent africain. Mais leur nombre reste encore limité. Si ceux qui existaient jusqu'à présent se concentraient surtout sur l'Afrique du Sud, l'Égypte et le Nigeria, les nouveaux gestionnaires sont désormais attirés par l'ensemble des vingt et une Bourses de la région. La société de gestion sud-africaine Investec a été l'une des premières à se lancer, avec un fonds créé en février 2006, qui a aujourd'hui près de 280 millions de dollars d'encours sous gestion.
L'an dernier, la banque d'investissement russe Renaissance Capital a fait de même, avec des encours d'un milliard de dollars. Cet été, Nicolas Clavel, un Suisse basé en partie à Londres, a créé " le premier hedge fund panafricain " (voir encadré), ainsi que le premier fonds indiciel africain, chacun de quelques dizaines de millions de dollars d'encours. Fin octobre, la société de gestion britannique New Star a elle aussi lancé un fonds dédié à l'Afrique sub-saharienne, " heart of Africa ", qui gère aujourd'hui près de 100 millions de dollars.
JP Morgan Asset Management s'apprête également à en lancer un pour la fin du premier semestre. " La dernière fois que j'ai vu autant d'intérêt pour l'Afrique, c'était au début des années 1980 ", raconte Nicolas Clavel, un ancien de Citigroup qui travaille depuis un quart de siècle sur le continent africain.
Pour les gérants, l'Afrique bénéficie d'un ensemble de facteurs favorables, en bonne partie liés à la demande chinoise qui tire à la hausse les prix des matières premières et des produits agricoles, deux sources de revenus importantes pour une grande partie de l'Afrique. " La Chine a investi 2 milliards de dollars en Afrique ces trois dernières années, et elle devrait investir environ 20 milliards pendant les cinq ans à venir ", affirme Claudia Barrulas, spécialiste produits sur les marchés émergents de JP Morgan Asset Management. De plus, une partie de la dette des pays les plus pauvres a été annulée par le G8.
Bien entendu, la promesse de rendements alléchants n'est pas étrangère à ce soudain intérêt des gérants. Investec a, par exemple, réalisé une performance de 55 % en presque deux ans. L'indice Africa Index 40 a progressé de 92 % depuis sa création en décembre 2005. À cela s'ajoute le fait que les marchés africains ne sont pas corrélés au reste du monde. Du moins pour l'instant. " Le paradoxe est que plus il y a d'argent étranger investi en Afrique, plus cela lie les marchés africains au reste du monde ", explique Jonathan Chew, gérant basé à Londres pour la société de gestion Imara Holdings.
RISQUES POLITIQUES
Évidemment, ce rendement ne va pas sans risque. " Au Zimbabwe, nous enregistrons régulièrement des hausses et des baisses de 40 % à 50 % par jour, poursuit Jonathan Chew. On peut tout perdre, comme on peut avoir un rendement excellent. "
" Investir en Afrique ne peut se faire qu'à long terme, avec une vision de cinq ans ou plus ", estime Claudia Barrulas. Mais les risques ne se situent pas qu'au niveau du rendement. Le principal problème des marchés africains vient du manque de liquidité (voir encadré). Il faut aussi compter avec les risques politiques, qu'il s'agisse des accès de violence (Kenya), les saisies de biens étrangers (Zimbabwe) ou les guerres civiles (Côte d'Ivoire). " Avant chaque élection, on se rend dans le pays pour voir exactement ce qu'il se passe ", explique Julien Véron, un analyste d'Investec basé en Afrique du Sud. " Nous retirons nos investissements trois ou quatre mois avant chaque élection ", ajoute Nicolas Clavel, le fondateur de Scipion Capital. Mais, dans l'ensemble, les gérants de portefeuilles se montrent confiants et estiment que les risques politiques sont globalement en baisse.
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Le premier hedge fund africain
Parce qu'il n'existe pratiquement aucun produit dérivé en Afrique, créer un hedge fund investissant sur le continent relève presque de la mission impossible. Pourtant, Nicolas Clavel, le fondateur de Scipion Capital, a créé l'été dernier ce qu'il revendique être le premier hedge fund panafricain. Son approche est assez originale. Il aide notamment au financement d'entreprises qui exportent des matières premières d'Afrique, comme par exemple du coton ou du café. " C'est une activité parabancaire, explique Nicolas Clavel. Nous travaillons avec des entreprises qui réalisent moins de 1 milliard de chiffre d'affaires et qui n'intéressent pas les grandes banques. " Mais pour se protéger, il achète des contrats futurs de matières premières... à la Bourse de Chicago.
ÉRIC ALBERT, À LONDRES