Je suis un peu surpris par la faible connaissance que les membres de ce forum ont du groupe Cegedim. Y ayant travaillé plus de 20 ans, je vais apporter quelques éléments factuels et mon point de vue personnel.
Fondé à la fin des années 60 par Jean-Claude Labrune, son président et actionnaire majoritaire actuel, Cegedim s’est construit sur l’activité CRM et données stratégiques pour les labos pharma qu’il vend aujourd’hui à IMS. JCL est devenu milliardaire en aidant les laboratoires à faire prescrire par les médecins le plus de médicaments possibles et le moins de génériques possibles. C’est effectivement la situation de la France par rapport aux autres pays européens. Pour ma part, je l’appelle le milliardaire de la sécu.
Nous sommes donc face non pas à une société qui recentre ses activités sur son ocre business, mais bien à une entreprise qui cède son activité stratégique suite à une croissance externe catastrophique aux USA en 2007. En 7ans c’est une dépréciation de plus de 750 M$ (prix d’achat de Dendrite en cash, il est vrai avec un peu d’argent public de la BPI).
Quand on connaît la personnalité de JC Labrune, on ne peut s’expliquer un tel aveu d’échec que par la pression de la famille pour sauver ce qui peut l’être du patrimoine.
Dès lors, que penser de ce qui reste ? Il faut comprendre que le business modèle de l’activité CRM pour les labos pharma était celui d’une prestation de service dans laquelle la donnée représentait l’essentiel de la valeur : Cegedim n'est pas un éditeur de progiciel performant.
L’activité éditeur de progiciels de santé, exclusivement centrée sur les PS ayant un rôle de prescripteurs pour les médicaments, n’a jamais été qu’une activité d’appoint permettant de soutenir à moindre coût la collecte de données pour l’activité CRM. Comme la plupart des activités de Cegedim, elle est constituée d’équipes hétérogènes issues de rachats successifs et modérément restructurées. Elle comprend notamment la structure Alliadis qui est le leader des logiciels pour les pharmaciens en France, rachetée en 2000 à Alliance Healthcare, en partie en actions. Curieusement la participation d'Alliance Healthcare est noyée dans le flottant alors qu’elle se situe entre 15% et 20%. De ce fait, les actions réellement sur le marché sont assez faibles, ce qui explique les volumes. Sans porter de jugement, il me semble qu’il est assez facile à l’actionnaire majoritaire de « contrôler » le cours de bourse. Le marché des logiciels médicaux évolue au gré des réformes de santé et dans un contexte tendu de maitrise des dépenses de santé. Probablement une croissance assez faible, mais le parc installé est important et peut générer un revenu récurrent stable. Cette activité est essentiellement basée en France et au royaume uni, mais là encore, avec des logiciels et des équipes très séparées.
L’activité solutions assurance est majoritairement une activité d’éditeur de logiciel sectoriel à laquelle s’est ajoutée une activité très rentable de service pour la gestion du tiers-payant en santé. Là encore, cette activité est complètement indépendante des autres. La position de leader incontesté sur le marché français autorise des marges confortables, mais sur un marché en très forte restructuration par une diminution drastique des clients potentiels. L’entreprise n’ayant aucune stratégie à l’international (Maroc, Mali, Cote d’Ivoire…), il ne faut pas attendre une croissance durable du CA. Pas de risque sur le résultat net cependant. Activité vache à lait, sans investissements à venir.
En synthèse, toutes ses activités d’éditeur de logiciels sectoriels sont loin de l’ADN historique de Cegedim et seraient de toute évidence bien mieux valorisées dans une SSII capable de les restructurer et de les valoriser à l’international.
Le reste est constitué d’activités hétéroclites, complètement autonomes et faciles à vendre.
Quand le patriarche accepte de céder son activité cœur de métier historique, qui plus est sur un constat d’échec cuisant, on peut légitimement penser que c’est le début de la fin pour Cegedim : cela prendra probablement quelques années, mais le processus de cessions ne fait probablement que commencer.
Ceci étant, ce n’est pas forcément mauvais pour la valorisation des actions : dette faible et forte rentabilité sécurisée sur le moyen terme – modulo les risques de manipulations du cours liés à un flottant réel très faible, probablement à peine plus de 15%.