Bernard Tapie, lex-pédégé dElf Le Floch Prigent, le sulfureux milliardaire Arkadi Gaydamak, lavocat présidentiel Thierry Herzog, Patrick Balkany
Avec autant damis, lintermédiaire Philippe Solomon dispose de solides références. Pas suffisant pour lui éviter de dormir en cabane depuis la semaine dernière, soupçonné descroquerie
Un intermédiaire, qui plus est en Afrique, se doit dêtre multicartes. Et davoir plein de copains, de relations, dentregent. De quoi faire mousser et ça peut rapporter gros. Avec Philippe Hababou Solomon le client nest pas déçu. Un réseau à faire frétiller les plus insensibles.
Joaillier de formation -place Vendôme quand même- le bonhomme doit fermer boutique en 1991. Dépôt de bilan « sans rien de frauduleux », mais qui lui vaut une condamnation par défaut. Le garçon, oublieux, sest alors installé aux Etats-Unis et ne fait guère cas des procès français. Son pote et avocat, lalors méconnu Maître Thierry Herzog- devenu avocat de Sarkozy- se charge de gérer ce passage délicat. « Attention, je ne connais pas Sarkozy, on a juste passé des vacances avec lui et Herzog en 2001 », lâche-t-il gourmand.
Aux Etats-Unis, Philou apprend un nouveau métier, la haute finance en général, et lintroduction de société en bourse en particulier. Grand cur, Hababou se lance aussi dans une opération de sauvetage
de Bernard Tapie, « un mec bien ». « Au début de ses emmerdes en France, on a essayé de laider. Le dossier était trop politique, on a voulu labattre mais depuis nous sommes restés amis, on passe beaucoup de vacances ensemble ». Enfin depuis quelques mois, leur chaleureuse amitié sest refroidie. « Hortefeux lui a conseillé de séloigner de moi. Trop sulfureux. Alors que mon casier est bien moins chargé que le sien ».
À voir. Malchanceux, Solomon rencontre de menus soucis avec la justice américaine. Le bon Philippe, généreux dans lâme, a financé la campagne dun sénateur démocrate américain, Robert Toricelli, proche de Clinton. « cest illégal mais je suis pas un assassin quand même ! » Arrêté au casino Taj Mahal dAtlantic City par la police, sur mandat darrêt fédéral. « Bah cétait pour toucher Clinton, on était en pleine affaire Monica Lewinsky ». Du coup direction Tel Aviv -« endroit naturel pour se faire des réseaux » - pour la résidence officielle et nouveau passage en France, en 2000 avant de monter une petite boîte au Canada en 2001. Et là re-pas de chance « Paul Barril me tamponne pour laider en Centrafrique, à Bangui sur la sécurité, alors que je ny connais rien ! »
Pour le plaisir Solomon fait quand même le déplacement, avec deux compères quil retrouvera bientôt, Lotfi Belhadj et Christophe Giovanetti. Laffaire ne se fait pas, mais tout nest pas perdu. Hababou repose un pied en Afrique- « le diamant »- et Barril le branche sur le rachat de la compagnie aérienne Aerolyon. Mauvaise pioche encore. Condamné à trois ans de prison ferme pour faux et usage de faux en 2004, il sort de cabane en 2005 et rebondit.
Malchanceux judiciaire, heureux en affaires
Quand le sulfureux milliardaire russo-israélien Arkadi Gaydamak, toujours sous le coup dun mandat darrêt international en France, rachète le club de foot du Betar Jérusalem, et tourne autour de France Soir, Philippe trâine dans les parages. « Il cherchait un entraîneur, je connaissais Luis Fernandez et je lai convaincu », plaide-t-il.
Christophe Giovanetti, connu en Centrafrique, acheminera même un cortège de journalistes à Jérusalem pour la premier conférence de presse de « Luis ». Mieux, Solomon joue aussi les agents recruteurs. « Je connaissais lagent de Jérôme Leroy, Jean-Luc Baresi, grâce à Bernard (Tapie) ». Baresi, « un mec bien, ferait pas de mal à une mouche ». certes, mais le garçon a deux frères fichés au grand banditisme et fort connu à Marseille. Lui-même a été incarcéré en 2002 pour « tentative de racket et menace de mort ».
Bref Philippe Solomon revient aux affaires, en Afrique et par la voie royale : le pétrole. ATI pétroleum, entreprise tenue par un Vietnamien, le docteur Huu, lui sert de rampe de lancement. « Il nétait présent quau Vietnam, je me suis dit quil fallait développer tout ça ». Une chance, son pote « Nanard », lui présente un spécialiste, « Loik (Le Floch) », lancien pédége dELF, « un gars qui a lui aussi pris pour dautres ». Avec le Floch, Giovanetti et Belhadj, Solomon soccuppe du développement dATI en Afrique. Des dépêches tombes.
Contrats remportés, en Tunisie, au Niger, au Congo, en Centrafrique, dont Solomon se targue dêtre consul en Israël et devient copain comme cochon avec Fabien Singaye, mercenaire rwandais et conseiller spécial du président Bozizé. Naturellement, la gouaille de Solomon rencontre lentrain de Balkany, député maire de Levallois, à « aider lAfrique ». Sauf que la poisse poursuit le pauvre Philou. Lundi 19 novembre, il cassait la croûte avec le président Bozizé et Balkany. Depuis le milieu de la semaine, cest en cabane quil joue à la dinette, avec Christophe Giovanetti et les « commerciaux » dATI, Jean-Marc Fiorini et Carl-Eric Hénin. Arrêtés dans le cadre dune discrète enquête menée depuis la bucolique ville de Grasse, pour « escroquerie en bande organisée » sur ATI Pétroleum. Une escouade de gendarme de la brigade de recherche de Nice est monté spécialement dans la capitale pour ceuillir ce petit monde, depuis longtemps sur écoute judiciaire. Et les pandores ont réussi un joli coup de filet, « du 100% » clamait admiratif un de leur collègue parisien.
Sans doute trop confiant, Hababou avait lancé des commerciaux un peu partout pour vendre des actions de la société ATI, avant son introduction en bourse, sur le marché libre parisien. Sauf que le prix des actions ainsi vendues est légèrement supérieure au prix dintroduction 18 centimes deuros
À en croire les premiers éléments de lenquête, même lintroduction en bourse se révèle frauduleuse, lAMF a été saisie, et tous les contrats remportés en Afrique sont sujets à caution. « Bah, méthode classique. On graisse la patte des officiels et ils nous font un joli papier pour dire que lon a remporté un contrat imaginaire », décrit une vieille concierge des réseaux africains.
Et les pigeons présumés ne sont pas des enfants de chur. Des petits investisseurs parisiens et provinciaux, certes, mais surtout de riches émissaires du Golfe, des petits et grands caïds du Sud-Est, et de sympathiques investisseurs venus de lEst, et souvent en villégiature sur la Côte dAzur.
La semaine dernière, Philippe Hababou Solomon sest plaint de recevoir des menaces. « Ma maison a été visité à Tel Aviv, mon chauffeur maltraité à Paris. Je gêne à cause de mon action en Afrique ». Pas sûr que Solomon ait regardé dans la bonne direction