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L'impact du plafonnement des taux servis
Par Valentine Clément le 22/04/2011
AGEFI
Selon la Cour de cassation, les taux fixés en application des règles de plafonnement instituées en 1995 doivent sappliquer uniquement aux versements libres effectués après 1995, impliquant pour les assureurs de réaliser un calcul complexe du rendement servi
En 1990, un particulier a souscrit deux contrats collectifs d'assurance vie, bénéficiant pour les sommes versées d'un taux de rendement minimum garanti de 4,50 %. Par deux avenants du 15 décembre 1999, l'assureur a modifié le taux minimum garanti (TMG) initial de 4,50 % pour tout versement postérieur au 1er novembre 2000 et en a informé le souscripteur par deux lettres du 31 décembre 1999.
Souhaitant procéder à deux versements complémentaires en 2005 puis en 2006, le souscripteur a demandé à l'assureur de lui confirmer quil lui garantissait toujours le TMG de 4,50 %. En réponse, l'assureur lui a indiqué que les versements ne bénéficient plus de ce taux depuis les avenants du 15 décembre 1999, mais quà titre dérogatoire, il acceptait de lui appliquer le taux garanti initial à ces versements.
Application immédiate aux contrats en cours
Afin d'obtenir la garantie de pouvoir bénéficier du TMG de 4,50 % l'an sur ses deux contrats pour une durée viagère et pour l'ensemble des contrats passés, lassuré assigne l'assureur.
Dans cette affaire, il convient de noter que les deux contrats dassurance vie collectifs ont été requalifiés, devant le tribunal de grande instance, en contrats individuels en raison de la fictivité des associations dassurés qui avaient souscrit les deux contrats (lire lencadré). Lassuré est débouté de sa demande en appel, la cour indiquant que « les versements effectués en 2005 et 2006 sur ses contrats d'assurance sur la vie ainsi que tous ceux à venir seraient soumis au plafonnement des taux de rendement institué par l'article A 132-1 du Code des assurances », celui-ci ayant été modifié en 1995 (1).
de la règle de plafonnement de larticle A. 132-1
Devant la Cour de cassation, le requérant soutient que les contrats ne peuvent, sauf disposition expresse en ce sens, être soumis à des dispositions légales qui n'existaient pas lorsqu'ils ont été conclus, sous peine de violer larticle 2 du Code civil (2). La Haute juridiction rejette son pourvoi, considérant tout dabord que « la cour dappel avait exactement déduit, sans violer larticle 2 du Code civil, que la règle applicable était celle en vigueur au moment du versement ainsi qu'il a été prévu par une disposition spéciale, d'application immédiate aux contrats en cours ».
La disposition spéciale évoquée par la Haute juridiction figure au dernier alinéa de larticle A132-1 du Code des assurances : « [
] les règles définies au présent article sont à appliquer en fonction des taux en vigueur au moment de la souscription [
]. Dans le cas de versements non programmés aux termes du contrat, ces règles sont à apprécier au moment de chaque versement. »
sans modifier les situations juridiques existantes.
La Haute juridiction ajoute ensuite que si la règle est celle de lapplication immédiate du nouveau taux aux contrats en cours, cela ne modifie pas pour autant « les situations juridiques existantes, les taux minimum garantis restant identiques pour l'ensemble des versements déjà effectués ou programmés dès la souscription ».
Pour les avocats Hélène Feron-Poloni et Nicolas Lecoq Vallon, « la solution retenue par la Cour de cassation signifierait pour les assureurs de réaliser des calculs du rendement servi à lassuré relativement complexes. Les sommes contenues sur le contrat doivent se voir appliquer un taux différent selon la date de leur versement - avant ou après le 1er juin 1995 - et au regard de leur nature programmée ou pas du versement dès lorigine du contrat. Nous pensons que toutes les compagnies ne réalise pas ce calcul, soit que le TMG en vigueur au moment des versements nest aujourdhui pas respecté en faveur des versements antérieurs à 1995, soit que les versements qui avaient été programmés sont néanmoins soumis aux limitations de larrêté ».
Contentieux sous réserve.
Larrêt de la Cour de cassation du 3 février 2011 annoncerait-il une nouvelle vague de contentieux ? Deux freins à ces litiges existent. Le premier concerne la prescription biennale édictée par larticle L. 114-1 du Code des assurances et qui sapplique à ces actions. « En cas de modification du taux, lassuré a deux ans pour agir à partir du moment où lassureur a porté à sa connaissance le changement de TMG », rappellent Hélène Feron-Poloni et Nicolas Lecoq Vallon, ajoutant que « cependant, la prescription biennale nest pas opposable à lassuré lorsque la police dassurance ne rappelle pas cette prescription ».
Le second frein réside dans le fait que la plupart de ces contrats sont des contrats collectifs, laissant aux assureurs la possibilité dapporter des modifications substantielles au contrat par simple notification à ladhérent assuré. Cass. civ. 2, 3 février 2011, n° 10-13581
(1) Larticle A.132-1 est issu dun arrêté du 28 mars 1995 modifiant et complétant certaines dispositions du Code des assurances en matière d'assurance sur la vie et de capitalisation (JO 7 avril 1995, entré en vigueur le 1er juin 1995).
(2) Article 2 du Code civil : « La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif ».
(Lencadré) Requalification en contrats individuels : Le tribunal de grande instance (TGI) de Paris estime que les deux associations dadhérents en cause nont pas de fonctionnement réel et dépendent totalement de lassureur. « Après la signature des contrats, ces associations ne sont plus jamais intervenues auprès du souscripteur de lassurance qui a toujours entretenu des relations directes avec lassureur », fait remarquer le TGI. Les juges du fond en déduisent que les règles régissant les assurances de groupe nont pas vocation à sappliquer en lespèce et que les contrats souscris par la plaignante sont ainsi de nature individuelle et non collective. TGI, 4e chambre 2e section, 27 septembre 2007, n°RG : 05/15699