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Les "coeurs en morceaux" cinq ans après le tsunami et Fukushima
information fournie par Reuters11/03/2016 à 09:09

MINUTE DE SILENCE AU JAPON CINQ ANS APRÈS FUKUSHIMA

MINUTE DE SILENCE AU JAPON CINQ ANS APRÈS FUKUSHIMA

par Elaine Lies et Hyun Oh

RIKUZENTAKATA, Japon (Reuters) - Cinq ans jour pour jour après la catastrophe du 11 mars 2011, le Japon a rendu hommage vendredi aux victimes du tremblement de terre et du tsunami à l'origine du plus grave accident nucléaire que le monde ait connu depuis Tchernobyl, en 1986.

A 14h46 (05h46 GMT), l'heure à laquelle la terre a tremblé, les cloches ont retenti et les trains et les métros se sont arrêtés pour une minute de silence en souvenir des quelque 20.000 morts. A Tokyo, le Premier ministre Shinzo Abe et l'empereur Akihito ont présidé une cérémonie à laquelle participaient 1.200 personnes, dont des survivants des zones cruellement frappées par la triple catastrophe.

Ce 11 mars, un tremblement de terre d'une puissance jamais enregistrée au Japon ébranle le nord-est de l'archipel. Le pays est habitué aux séismes et a adapté ses infrastructures à ce risque. Mais cette secousse de magnitude 9 est déjà à elle seule dévastatrice et meurtrière.

Survenue en mer, elle déclenche en outre un tsunami qui s'abat bientôt sur les côtes nippones, celles des préfectures de Miyagi, d'Iwate et de Fukushima notamment. Le mur d'eau emporte tout sur son passage, bateaux, voitures, bâtiments, et pénètre de plusieurs kilomètres à l'intérieur des terres. Des villes entières sont rasées. Lorsque la mer se retire enfin, elle laisse derrière elle un paysage dévasté.

Par des températures glaciales, des dizaines de milliers de Japonais se retrouvent sans toit, contraints de se masser autour d'appareils de chauffage dans des abris installés le long de la côte. Plus nombreux encore sont les foyers privés d'électricité et d'eau courante. L'aide leur parvient difficilement en raison des dégâts subis par le réseau routier.

Le cauchemar n'est pourtant pas encore terminé. Au déchaînement imprévisible de la nature succède la plus grave catastrophe nucléaire survenue dans le monde depuis Tchernobyl 25 ans plus tôt.

Bâtie au bord de l'océan Pacifique, à 240 km au nord de Tokyo, la centrale de Fukushima-Daiichi est elle aussi inévitablement frappée par le séisme et le tsunami. L'alimentation est coupée, les systèmes de refroidissement ne fonctionnent plus et des réacteurs de la centrale entrent en fusion, attaquant les cuves et les enceintes de confinement, menaçant de dégager des substances radioactives en forte quantité.

TRAVAIL DE TITAN

Le Premier ministre de l'époque, Naoto Kan, devenu aujourd'hui l'un des chefs de file des partisans d'une sortie définitive du nucléaire, hésite un temps à ordonner l'évacuation de la région de Tokyo, 50 millions d'habitants qui vivent à 200 km au sud de la centrale.

Le gouvernement impose finalement une zone d'exclusion d'un rayon de 20 km autour de la centrale, évacue au total plus de 160.000 habitants dont 10%, cinq ans plus tard, vivent toujours dans des logements provisoires. Les autres ont pour la plupart reconstruit leur vie ailleurs.

Aujourd'hui encore, des secteurs entiers restent interdits du fait des hauts niveaux de contamination.

"Rendez-moi ma ville", pouvait-on lire sur une banderole déployée jeudi soir par des manifestants anti-nucléaires rassemblés devant le siège de la Tokyo Electric Power Co (Tepco), l'opérateur de la centrale de Fukushima qui fut vivement critiqué pour sa gestion de la catastrophe.

Naraha, une ville rurale située à une vingtaine de kilomètres de la centrale, comptait 8.042 habitants avant la catastrophe; seules 440 personnes sont revenues, âgées de plus de 60 ans pour près de 70% d'entre elles.

Deux restaurants, qui ferment à 15h00, un supermarché et un bureau de poste regroupés dans des locaux préfabriqués font office de centre commercial. Dans le parc qui surplombe l'océan Pacifique, aucun enfant en vue mais plusieurs retraités se promènent au milieu des centaines de sacs remplis de déchets radioactifs. Beaucoup de maisons endommagées lors de la catastrophe sont abandonnées.

Les pouvoirs publics ont dépensé des milliards de dollars pour aider les communautés à se relever et à effacer le spectacle de désolation. Des digues surélevées ont été construites pour les protéger de futurs tsunamis. Des terres irradiées ont été nettoyées.

Mais le travail est titanesque, les radioéléments dans les zones rouges se déplacent. Il faut parfois reprendre à zéro le travail de décontamination. Le "mur de glace" censée encercler les réacteurs et éviter les fuites d'eau contaminée vers l'océan n'est pas encore achevé. Et les autorités ne savent toujours pas comment se débarrasser de l'eau fortement radioactive stockée dans un nombre toujours plus grand de réservoirs aux abords du site.

"Il y a encore de nombreuses personnes qui vivent difficilement dans des logements temporaires ou qui ne peuvent retourner chez elles", a déclaré jeudi à la presse le Premier ministre Shinzo Abe, appelant à une accélération des efforts de reconstruction.

"LES INFRASTRUCTURES SE RÉPARENT, PAS LES COEURS"

Plus au nord, à Rikuzentakata, une ville côtière dévastée par la vague sismique qui atteignait 17 mètres de haut, 7% des habitants n'ont pas survécu à la catastrophe. Le centre de la ville a été totalement dévastée.

"Les infrastructures se réparent, pas les coeurs", dit Eiki Kumagaï, un pompier volontaire qui a perdu ce jour-là 51 de ses collègues. "Je pensais que le temps ferait son oeuvre, mais je continue de voir les visage de ceux qui sont morts, il y a tellement de regrets. Je ne peux pas les exprimer", poursuit-il.

"J'ai le sentiment que le nombre de personnes qui ne savent plus quoi faire, qui n'essaient plus rien, est en augmentation", confie Kazuo Sato, un ancien pêcheur de Rikuzentakata. "Leurs coeurs sont en morceaux."

Yashichi Yanashita, un ancien fonctionnaire municipal aujourd'hui âgé de 65 ans, confirme: "La réalité, c'est que nous ressentons toujours les cicatrices, ici, et que nombre d'entre nous se battent pour recommencer leur vie."

Avant la catastrophe, les 54 réacteurs de l'archipel lui fournissaient plus de 30% de son énergie. Aujourd'hui, seules trois unités de production nucléaire ont été remises en marche, mais la justice vient d'ordonner l'arrêt de deux réacteurs au nom de l'inquiétude des habitants.

Le gouvernement Abe a réagi en déclarant que ce jugement ne modifiait pas sa politique de relance de la production nucléaire après la mise en place de mesures de sécurité renforcée. Mais une majorité de l'opinion publique, profondément marquée par la catastrophe du 11 mars 2011, ne veut pas en entendre parler.

Sur le plan de la santé publique, les autorités japonaises ont pour la première fois reconnu en octobre l'existence possible d'un lien entre un cas de cancer et la catastrophe nucléaire de Fukushima. Le patient concerné, un ouvrier d'une trentaine d'années, a été employé par une entreprise de construction sous-traitante sur la centrale accidentée.

(Bertrand Boucey, Nicolas Delame, Eric Faye et Henri-Pierre André pour le service français)

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