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« Le Grexit plus cher que le Greste ? » par Jean-Paul Betbeze (Cercle des économistes)
information fournie par Boursorama 20/07/2015 à 10:04

''Payer pour que la Grèce reste (...) c’est sans doute moins cher que payer pour qu’elle sorte'', explique Jean-Paul Betbèze.

''Payer pour que la Grèce reste (...) c’est sans doute moins cher que payer pour qu’elle sorte'', explique Jean-Paul Betbèze.

La semaine s'annonce chargée en Grèce avec deux tests majeurs : la réouverture des banques et la hausse de la TVA de 10 points. Si la sortie d'Athènes de la zone euro est écartée à court terme, l'ombre d'un Grexit continue de planer. Jean-Paul Betbeze analyse les deux options possibles.

La fuite – organisée – de l'idée de M. Shäuble, le ministre des Finances allemand, d'une sortie de la Grèce pendant cinq ans de la zone euro a surpris tout le monde, le Premier ministre grec Tsipras en tête. On a pu penser à un coup de bluff, même si le Ministre allemand paraissait très sérieux. On a pu lire aussi qu'il s'agissait de sa part d'une erreur analytique majeure. Elle affaiblirait irrémédiablement la zone, sans qu'on puisse exactement comprendre comment la Grèce reviendrait guillerette après cinq ans, ayant dévalué de 50 %, et sans bouleverser l'échiquier de la zone euro.

En monnaie unique en effet, comme la dévaluation monétaire est impossible puisque les monnaies nationales ont disparu, seules restent deux dévaluations. La dévaluation fiscale, d'abord, en haussant les impôts, notamment la TVA ou l'IRPP, ce qui est évidemment pénible. La dévaluation salariale, ensuite, en baissant salaires et retraites, ce qui est plus pénible encore. C'est alors une grave récession dont on sort économiquement par le commerce extérieur, comme l'Espagne, mais avec un risque politique élevé, comme l'Espagne, l'Italie, et bien sûr la Grèce le montrent.

Combien coûterait alors le Grexit ? Immédiatement, c'est faire une croix sur une bonne part de la dette grecque, 330 milliards d'euros, disons 150 au moins. C'est aussi mettre en péril les 80 milliards de soutien de la BCE aux  banques grecques qui seraient alors en faillite, ayant des dettes en euros – notamment par rapport à la BCE et des créances sur des entreprises grecques déjà fragilisées, avant de pouvoir bénéficier de la dévaluation. Disons 60 milliards. Ce sont les pertes des entreprises qui commercent avec la Grèce, en Allemagne, France, Italie… Elles ne pourraient se faire rembourser. Disons 60 milliards (le déficit sur Target est 100 milliards).

Alors : 300 milliards d'euros ? Au moins. Plus les risques géopolitiques de la région, et la nécessité de soutenir quand même la Grèce pour qu'elle ne soit pas la proie de violences et d'immigrations accélérées. Plus renforcer les frontières de la zone. Plus le coût porté à la monnaie unique et à sa crédibilité... C'est là la grande question. Pour les uns, faire partir la Grèce c'est bien. Cela montre la force de la zone et sa volonté de faire vraiment respecter ses règles. Donc, par exemple, celle de ne plus accorder d'années supplémentaires à la France pour se mettre en règle avec son déficit budgétaire ? Alors les taux longs baissent et les bourses aiment, quitte à ce que la croissance fléchisse un temps. Mais combien de temps ?

Pour les autres, faire partir la Grèce, c'est ouvrir la boîte de Pandore. Qui sera le suivant ? L'Espagne, avec Podemos, peut s'énerver, comme l'Italie avec Cinque Stelle en attendant la France, avec ses deux extrêmes. On peut alors penser que l'euro baisse beaucoup, que les taux longs allemands baissent eux aussi, mais surtout que les taux longs espagnols, italiens et français repartent à la hausse. La BCE, dans ce contexte, ne peut plus rien faire. La croissance baisse, le chômage remonte, les déficits se creusent. L'Allemagne bénéficie de la situation pour ses ventes hors zone euro, mais le reste souffre – moins l'Espagne. Les dévaluations salariales reprennent de plus belle, plus les coupes budgétaires…

Ceci ne coûte-t-il pas bien plus de 300 milliards d'euros, sachant que les marchés ne vont pas nécessairement aimer cette rigueur soudaine après des années de complaisance, sachant aussi que la zone euro est au cœur d'une des zones les plus fragiles du monde.

Payer pour que la Grèce reste, c'est payer pour la zone euro, donc pour nous. C'est sans doute moins cher que payer pour qu'elle sorte. Le bluff allemand est donc, outre le fait de forcer la Grèce à changer vraiment (on verra), le résultat d'un assez bon calcul… allemand. En tout cas, les marchés financiers ont aimé.

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président-fondateur de Betbeze Conseil SAS (www.betbezeconseil.com) et Economic Advisor de Deloitte.

Le Cercle des économistes a été créé en 1992 avec pour objectif ambitieux de nourrir le débat économique. Grâce à la diversité des opinions de ses 30 membres, tous universitaires assurant ou ayant assuré des fonctions publiques ou privées, le Cercle des économistes est aujourd'hui un acteur reconnu du monde économique. Le succès de l'initiative repose sur une conviction commune : l'importance d'un débat ouvert, attentif aux faits et à la rigueur des analyses. Retrouvez tous les rendez-vous du Cercle des économistes sur leur site .

55 commentaires

  • 21 juillet 10:39

    L'art de préférer la gangrène à l'amputation...


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