La "finance de l'ombre" s'est considérablement développée en Chine sans que le risque correspondant puisse être évalué avec précision.
Le « shadow banking », désignant les opérations financières semblables à des opérations bancaires mais qui sortent de ce cadre réglementé, représenterait 75.000 milliards de dollars d’actifs dans le monde. Un montant équivalent, à peu de choses près, à celui d’avant-crise.
Est-on en train de réamorcer la bombe qui a explosé en 2008 ? La « finance de l’ombre » (en anglais : « shadow banking ») connaît une recrudescence depuis quelques années à l’échelle mondiale, affirme le Financial Times . Or, ces opérations qui participent à l’accroissement du risque sur les marchés avaient joué un rôle de catalyseur lors du déclenchement de la crise de 2008.
La « finance de l’ombre », de quoi s’agit-il ?
La « finance de l’ombre » désigne l’ensemble des opérations passées sur les marchés financiers sans être encadrées au sein du système bancaire. Exemple : les hedge funds, qui peuvent être indépendants d’une banque et donc réaliser des opérations sans avoir à respecter les mêmes règles prudentielles que celles appliquées aux établissements financiers "classiques". Une opportunité qui se traduit généralement par une diminution du ratio de fonds propres et une augmentation de l’« effet de levier » sur les positions prises.
Eviter les règles prudentielles ne serait pas alarmant si les établissements concernés et les montants en jeu ne créaient pas un risque systémique sur les marchés. Or cela s’est vu en 2008 : la panique des gérants de fonds, leur vente massive et simultanée d’actifs et la faillite de nombreux établissements affichant des pertes colossales a accentué l’effondrement des marchés il y a tout juste six ans.
Risques liés au « shadow banking »
Le problème central que pose la finance de l’ombre est technique mais simple à saisir. La finance de l’ombre assure peu ses opérations par la possession d’actifs compensatoires (désignés en finance sous le terme de « collatéral ») permettant de limiter les pertes en cas de crise.
Si une banque fait par exemple un prêt immobilier et que l’emprunteur arrive en situation de défaut de paiement, la banque peut saisir son bien immobilier (le collatéral) et le revendre pour compenser ses pertes qui seront donc a priori faibles. La finance de l’ombre dispose quant à elle de beaucoup moins de collatéral. Une perte ne peut donc pas forcément être compensée comme le ferait une banque.
Recrudescence du phénomène
Les actifs actuellement possédés par des établissements faisant partie du « shadow banking » sont estimés à un montant de 75.000 milliards de dollars dans le monde selon le Financial Stability Board (FSB). L’augmentation a été de 5.000 milliards de dollars en 2013. Or, à y regarder de près, ces 75.000 milliards représenteraient la somme colossale de 120% du PIB de l’ensemble des Etats où le « shadow banking » existe. En 2007, le même chiffre était de 123% avant que la crise financière entraîne une forte diminution des montants en jeu. La finance de l’ombre représenterait ainsi 24,5% de l’ensemble des actifs échangés sur les marchés, un chiffre également spectaculaire.
Cette recrudescence du « shadow banking » s’explique en partie par les règles prudentielles désormais très strictes appliquées dans le secteur bancaire. Certains acteurs des marchés n’hésitent donc pas à sortir du système bancaire traditionnel pour gérer des fonds en échappant à cette régulation. Au risque de fragiliser leurs positions mais aussi le marché dans son ensemble.
Chine et Etats-Unis, deux grands pôles
La croissance de la finance de l’ombre provient principalement des marchés émergents, au premier rang desquels se trouve la Chine. Le shadow banking y aurait ainsi progressé de 38% l’année dernière. Le problème du shadow banking chinois est son opacité totale. Dans les milieux financiers, bien peu de monde est capable de suivre exactement les choix d’investissements réalisés dans ce cadre, ni les risques qu’ils représentent. L’information filtre peu alors que les montants en jeu sont colossaux. Une situation qui rappelle celle de 2007 où la structuration d’actifs liés à des crédits subprimes devenait illisible par les banques au point que ces dernières ne savaient plus quelle valeur leur attribuer.
En valeur, le shadow banking chinois reste inférieur à celui du Royaume-Uni et des Etats-Unis. Un constat moyennement rassurant, qui souligne avant tout l’importance que conserve la finance de l’ombre outre-Atlantique malgré la dernière crise. Le shadow banking américain représenterait à lui seul environ 14.000 milliards d’actifs gérés dans des circuits de finance échappant à la régulation bancaire.
Xavier Bargue
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